

Pour protéger les oiseaux, la justice met à l'arrêt un deuxième parc éolien en trois jours
Pour la deuxième fois cette semaine, le tribunal correctionnel de Montpellier a ordonné l'arrêt d'un parc éolien responsable de la mort d'oiseaux protégés, un nouveau point marqué par les associations de défense de l'environnement face à cette source d'énergie renouvelable souvent critiquée.
Dans une première sur le plan pénal, le tribunal avait ordonné lundi l'arrêt pour quatre mois des 31 éoliennes du parc d'Aumelas, dans le centre de l'Hérault, soit la période de présence sur le site du faucon crécerellette, et infligé de lourdes amendes à la société EDF Renouvelables, son ex-PDG et neuf de ses filiales, jugés responsables de la mort de 160 oiseaux d'espèces protégées.
Rebelote mercredi: une autre chambre correctionnelle du même tribunal a ordonné l'arrêt pour un an du parc éolien de Bernagues, dans le nord du même département, jugeant ses exploitants responsables de la mort d'un aigle royal.
La société Energie Renouvelable du Languedoc (ERL), filiale du groupe Valeco, qui exploite ces sept éoliennes sur le massif de l'Escandorgue, sur les contreforts du Massif central, a aussi été condamnée à 200.000 euros d'amende, dont 100.000 avec sursis, son dirigeant, François Daumard, écopant d'une amende de 40.000 euros, dont 20.000 avec sursis.
Comme dans le cas d'Aumelas, le tribunal a ordonné l'"exécution provisoire" de ses décisions "pour éviter la réitération de l'infraction".
Et comme pour EDF Renouvelables, qui avait immédiatement annoncé faire appel de sa condamnation, l'avocat d'ERL, Me Philippe Bouchez-El Ghozi, a déclaré à l'AFP qu'un "appel s'impose".
Le 10 janvier 2023, un aigle royal muni d'un GPS et volant à 50 km/h avait percuté une pale d'une éolienne de Bernagues, selon l'enquête sur cet incident de l'Office français de la biodiversité (OFB).
L'OFB avait mis en évidence un "dysfonctionnement du système de détection des oiseaux" lors de l'approche de l'aigle, qui avait, après avoir été percuté, "chuté lourdement" au pied de l'éolienne, où il sera retrouvé six jours plus tard.
- Démolition -
L'oiseau, espèce protégée, était le mâle reproducteur d'un couple ayant installé son nid dès 2008 à trois kilomètres du lieu où ERL a construit ses éoliennes en 2016, selon France Nature Environnement (FNE), l'une des six associations parties civiles dans cette affaire.
Le tribunal a condamné ERL et son dirigeant à verser un total de 35.000 euros à ces six associations au titre de dommages et intérêts, ainsi que 3.000 euros au titre du préjudice écologique et 1.000 à chacune pour les frais de justice.
Lors de l'audience en janvier, le parquet avait réclamé 750.000 euros d'amende, dont 500.000 avec sursis, contre ERL, assortie d'une suspension d'activité avec exécution provisoire, ainsi que 150.000 euros d'amende (dont 100.000 avec sursis) contre le gérant.
"Les condamnations financières, c'est une chose, et elles sont bien sévères, mais la suspension de l'activité du parc pendant un an nous remplit bien plus de joie, parce qu'il n'y aura pas d'oiseaux et de chiroptères (chauve-souris) qui vont mourir pendant cette période-là", a réagi auprès de l'AFP Marjolaine Villey-Migraine, de la Fédération Environnement Durable (FED), en pointe dans cette affaire.
"Ca va servir d'exemple, de sorte que les sociétés n'implantent pas des éoliennes n'importe où, en particulier dans les parcs naturels régionaux et dans les montagnes", a-t-elle ajouté.
"La justice vient de rappeler qu'aucun projet ne peut s'exonérer du respect du vivant. Les énergies renouvelables sont un outil essentiel de la transition énergétique mais leur déploiement doit s'effectuer sans précipitation et avec précaution," a renchéri Allain Bougrain Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux.
Avocat spécialisé en environnement, Arnaud Gossement avait jugé lundi "assez triste" que partisans de l'éolien et défenseurs de la biodiversité s'affrontent devant les tribunaux, appelant à un "débat de société" sur cette question.
Toujours dans ce dossier, la cour d'appel de Nîmes avait ordonné le 7 décembre 2023 la démolition des éoliennes de Bernagues pour défaut de permis de construire valide. ERL a formé un pourvoi devant la Cour de cassation, dont la décision est attendue fin avril.
O.Greco--RTC