Rachat de La Provence: nouveau round dans la bataille entre Niel et CMA CGM
Un nouveau round aura lieu lundi à Aix-en-Provence dans le combat opposant le fondateur de l'opérateur de télécommunications Free, Xavier Niel, à l'armateur CMA CGM, pour le contrôle du groupe de presse régionale La Provence.
Les deux poids lourds de l'économie s'affrontent depuis des mois pour racheter les 89% de parts détenues par le groupe de l'homme d'affaires Bernard Tapie, décédé en octobre, dans La Provence et Corse-Matin, les 850 salariés restant eux dans un flou compliqué.
Le tribunal de commerce de Marseille avait suspendu début janvier le pacte d'actionnaires offrant un droit de veto à NJJ, la holding du fondateur de Free Xavier Niel déjà détentrice de 11% de La Provence, sur tout candidat au rachat des 89% du Groupe Bernard Tapie (GBT), en liquidation judiciaire depuis 2020.
Lundi, la cour d'appel d'Aix-en-Provence examinera l'appel de Xavier Niel.
Si la cour confirme la suspension de son droit de veto, "il n'y a plus photo et la cession se fait au profit de CMA CGM", même si "NJJ bénéficie d'un droit de préemption" qu'il pourra éventuellement faire valoir par la suite, a estimé Me Bernard Vatier, avocat du liquidateur, interrogé par l'AFP.
Si au contraire la cour jugeait que le droit de veto de NJJ doit être maintenu, le conseil d'administration de La Provence pourrait refuser l'entrée au capital de CMA CGM "en offrant les titres à un autre actionnaire", selon M. Vatier. Il faudrait alors qu'il mette "en œuvre une procédure d'expertise pour apprécier la valeur vénale de cette participation", précise-t-il.
Et de mettre en garde contre un "bras de fer": "Les liquidateurs, eux, ne soumettront pas" une nouvelle offre autre que celle de CMA CGM au juge-commissaire, "en considérant que c'est une situation qui leur cause préjudice".
Le géant mondial du transport maritime a en effet mis sur la table 81 millions d'euros pour racheter les parts de Bernard Tapie dans La Provence, contre seulement "autour" de 20 millions d'euros pour le groupe de Xavier Niel.
Or, la liquidation judiciaire vise à récolter le maximum de la vente des actifs du Groupe Bernard Tapie pour payer les créanciers.
- "Coincés entre deux milliardaires" -
L'arrêt de la cour d'appel, qui devrait intervenir sous un mois, sera rendu après la réunion d'un conseil d'administration crucial, qui doit se tenir d'ici fin avril, au cours duquel NJJ conserve donc son droit de veto à titre conservatoire.
Pour être validée, l'offre de CMA CGM, la seule retenue par le liquidateur car "mieux-disante", doit être approuvée à l'unanimité des cinq administrateurs: les deux représentants d'Avenir Développement (la filiale de NJJ), le fils de Bernard Tapie, Stéphane Tapie, Franz-Olivier Giesbert et le PDG de La Provence, Jean-Christophe Serfati.
Or, difficile d'imaginer que NJJ renonce à utiliser son veto, malgré les pressions du liquidateur. D'autant que, confie à l'AFP une source proche du dossier, Xavier Niel serait prêt à mobiliser toute la palette des recours judiciaires afin de faire respecter les droits que lui offre le pacte d'actionnaires.
L'offre de CMA CGM, la seule qui pouvait leur être soumise légalement, a été approuvée jeudi par les six comités d'entreprises de La Provence, qui ont salué un "projet économiquement viable" pour leurs titres, "soutenu par un investissement massif".
Mais elle ne satisfait pas l'ensemble des personnels.
"C'est compliqué pour les salariés de se retrouver coincés entre deux milliardaires", résume Élise Brand, avocate du CSE du journal La Provence.
"On se pose de réelles questions sur la viabilité et la pérennité du projet", abonde Didier Ponce, délégué syndical de FO Livre.
A l'instar de la CFE-CGC, de FO Livre et de la CGT, la CFDT aurait préféré pouvoir comparer les deux offres de reprise.
"Dès le départ, la stratégie de CMA CGM a été d'essayer de compenser le handicap qu'il a par rapport à NJJ, en raison du droit d'agrément, en emportant au maximum l'adhésion des représentants du personnel. Il y avait beaucoup d'annonces très positives, un peu à la Père Noël, mais on avait le sentiment que c'était uniquement pour nous convaincre", souligne Marie-Cécile Bérenger, représentante CFDT.
A.Jonsson--RTC