Ukraine : Washington va livrer des armes antiaériennes, tirs meurtriers sur des civils
Le président américain Joe Biden a annoncé mercredi l'envoi de systèmes de défense antiaérienne de plus longue portée à l'Ukraine où au moins treize civils ont été tués par des tirs russes devant un magasin et sur un marché dans le nord et en fuyant Marioupol dans le sud.
Dans une courte allocution, M. Biden a confirmé que son pays fournirait 800 millions de dollars de plus au titre de l'aide militaire à Kiev, soit une enveloppe "sans précédent" d'un milliard de dollars en une semaine pour soutenir son armée.
"A la demande" de son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, qui s'était auparavant adressé au Congrès des Etats-Unis, "nous aidons l'Ukraine à se doter de systèmes de défense antiaérienne supplémentaires et de plus longue portée", a-t-il dit, précisant que des drones seraient aussi livrés.
- Tirs sur une file d'attente -
Trois autres personnes ont perdu la vie et cinq ont été blessées sur un marché dans un incendie provoqué par un bombardement à Kharkiv, dans le nord-est, selon les secours.
Dans l'après-midi, des tirs de roquettes Grad sur un convoi de civils qui quittaient la cité portuaire assiégée et sans cesse pilonnée de Marioupol ont fait un nombre pour le moment indéterminé de morts et de blessés, dont un enfant grièvement atteint, d'après l'armée ukrainienne.
Un théâtre qui abritait "des centaines" de civils" y a été détruit dans l'explosion d'une bombe larguée par un avion russe, a ajouté la mairie.
La ville de Zaporojie, largement épargnée jusqu'ici et refuge des personnes fuyant Marioupol, a quant à elle pour la première fois depuis le début du conflit été visée, la gare ayant été touchée mercredi par au moins un missile, apparemment sans faire de victimes. C'est dans cette région que se trouve la plus grande centrale nucléaire d'Europe, que les Russes occupent depuis le 4 mars.
"J'ai enterré mon fils aujourd'hui. C'était un pilote", dont l'appareil a été abattu pendant une mission de combat, racontait de son côté, tête baissée, Anatoly, à Otchakiv, sur les bords de la mer Noire.
Selon les secours ukrainiens, 500 personnes au moins avaient été tuées depuis le début de la guerre à Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine, dans le nord-est, sans répit bombardée.
Des explosions ont en outre à nouveau été entendues à l'aube à Kiev où d'épaisses colonnes de fumées noires s'élevaient.
La capitale, vidée de plus de la moitié de ses 3,5 millions d'habitants, est sous couvre-feu depuis mardi 20H00 (18H00 GMT) et jusqu'à jeudi 07H00, après que plusieurs missiles eurent touché des immeubles d'habitation lundi et mardi.
"En cas de besoin, nous prendrons les armes et nous défendrons la ville", a lâché Edouard Dementchouk, un employé d'une cinquantaine d'années d'une société de sécurité privée.
Conséquence du conflit, plus de trois millions d'Ukrainiens - dont près de la moitié d'enfants - ont déjà pris les routes de l'exil, en grande majorité vers la Pologne.
- Pas de troupes de l'Otan -
Dans le même temps, l'Organisation mondiale de la santé assurait n'avoir jamais vu autant d'attaques militaires sur le système de santé qu'actuellement en Ukraine.
"Le système de santé est devenu une cible (...). Cela commence à faire partie de la stratégie et des tactiques de la guerre. C'est totalement inacceptable, c'est contraire au droit humanitaire international", a déploré le chef des urgences de l'OMS, Michael Ryan.
C'est dans ce contexte que la Cour internationale de justice (CIJ), le plus haut tribunal de l'ONU, a ordonné mercredi à Moscou d'immédiatement interrompre ses opérations militaires en Ukraine, se disant "profondément préoccupée" par l'ampleur des combats ; et que le Conseil de l'Europe, garant de l'état de droit sur ce continent, excluait officiellement la Russie, tandis que la Cour européenne des droits de l'homme suspendait l'examen de toutes les requêtes concernant la Russie.
Imperturbable, Vladimir Poutine a martelé dans un discours que l'opération militaire déclenchée trois semaines plus tôt, le 24 février, était "un succès". Cela alors que son armée ne pouvait revendiquer la prise d'aucune grande ville et progressait au ralenti.
La Russie ne laissera jamais l'Ukraine devenir une "tête de pont" pour des "actions agressives" contre son territoire, a-t-il ajouté.
Juste avant, son homologue ukrainien avait par visioconférence, ovationné par les parlementaires américains, réclamé à nouveau l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de son pays.
"J'ai une nécessité, la nécessité de protéger notre ciel. J'ai besoin de votre décision, de votre aide", avait lancé Volodymyr Zelensky. "Est-ce trop demander de créer une zone d'exclusion aérienne (...) pour sauver des gens ?", avait-il encore dit, avant de faire projeter des images des Ukrainiens sous les bombes.
Joe Biden a jusqu'ici rejeté une zone d'exclusion aérienne, de peur de voir les Etats-Unis et l'Otan, qui a répété mercredi qu'il n'était "pas question de déployer des troupes de l'Otan ni des avions en Ukraine", entraînés dans un conflit susceptible de se transformer en 3e guerre mondiale.
L'Alliance atlantique a toutefois fait part de son intention de renforcer son dispositif sur son flanc oriental.
- Un "compromis" ? -
L'offensive et la détermination des deux camps n'empêchaient pas la poursuite en parallèle de pourparlers, relancés lundi par visioconférence au niveau des délégations.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a déclaré mercredi que les négociateurs discutaient désormais d'"un compromis", qui ferait de l'Ukraine un pays neutre, sur le modèle de la Suède et de l'Autriche.
"Il y a des formules très concrètes qui, je pense, sont proches d'un accord", a également lancé le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.
Sans démentir des discussions sur une neutralité, le négociateur-en-chef ukrainien Mykhaïlo Podoliak a rejeté "un modèle suédois ou autrichien" et insisté sur des "garanties de sécurité absolues" face à la Russie, avec engagement d'intervenir aux côtés de l'Ukraine en cas d'agression.
"L'Ukraine est maintenant en état de guerre directe avec la Russie. Par conséquent, le modèle ne peut être qu'+ukrainien+", a déclaré M. Podoliak sur son compte Telegram.
Le président Zelensky avait estimé dans la nuit de mardi que les positions des deux camps étaient désormais "plus réalistes", tout en estimant qu'il faudrait "encore du temps pour que les décisions soient dans l'intérêt de l'Ukraine".
Il s'était dit auparavant prêt à renoncer à toute adhésion de son pays à l'Otan, un casus belli pour la Russie.
M. Zelensky n'a pas caché qu'il espérait aussi obtenir une rencontre avec M. Poutine.
"Il n'y a pas d'obstacles à l'organisation d'une telle rencontre", a jugé M. Lavrov.
A l'issue d'une conversation, les chefs des Eglises catholique et orthodoxe russe ont pour leur part exprimé "l'espoir d'arriver rapidement à une paix équitable".
Le pape François a appelé le patriarche Kirill à éviter "le langage de la politique", selon le Vatican. Le prélat orthodoxe a eu également un entretien avec le chef de l'Eglise d'Angleterre, l'archevêque de Canterbury Justin Welby.
La Turquie, membre de l'Otan mais ayant refusé de s'associer aux sanctions contre Moscou, poursuivait de son côté ses efforts de médiation. Son ministre des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu était à Moscou mercredi et devait se rendre jeudi en Ukraine.
Il succédera aux Premiers ministres polonais, tchèque et slovène, Mateusz Morawiecki, Petr Fiala et Janez Jansa, qui sont allés mardi à Kiev pour assurer le président ukrainien de leur soutien.
Parallèlement, la Pologne a réclamé la mise en place d'une "mission de paix" de l'Otan, "protégée par les forces armées" pour aider l'Ukraine.
Le sujet pourrait être abordé au cours du sommet extraordinaire de l'Otan prévu pour le 24 mars à Bruxelles, où Joe Biden sera présent.
Mercredi, Vladimir Poutine a promis des aides financières aux particuliers et aux entreprises, qualifiant les sanctions à un "blitzkrieg" contre la Russie.
Les autorités russes continuent en parallèle à réprimer toute opposition à la guerre.
Après l'arrestation d'une employée de la Première chaîne russe qui avait protesté contre la guerre en faisant irruption lundi soir sur le plateau du journal télévisé, les autorités ont bloqué les sites internet d'une trentaine de médias supplémentaires, dont celui de la BBC.
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L.Rodriguez--RTC