Le Sri Lanka en crise renforce la sécurité alors que la colère explose
La capitale du Sri Lanka a été placée vendredi sous haute sécurité après que des centaines de manifestants ont tenté de prendre d'assaut la résidence du président lors d'une nuit de violences et de colère, en réaction à la grave crise économique qu'endure le pays.
La nation d'Asie du Sud connaît de graves pénuries de produits de première nécessité, une inflation galopante et des coupures d'électricité paralysantes. Beaucoup craignent que le pays, qui traverse pire sa récession depuis son indépendance en 1948, ne soit pas en mesure de rembourser ses dettes.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, des centaines de personnes se sont dirigées vers le domicile du président Gotabaya Rajapaksa pour réclamer sa démission. Ils ont incendié deux bus militaires et une jeep de la police, jeté des briques sur les forces de l'ordre et barricadé une route principale de Colombo avec des pneus enflammés.
Une personne a été grièvement blessée et la police a déclaré que cinq officiers avaient été blessés dans des affrontements. Quarante-cinq personnes ont été arrêtées.
Les forces de police ont tiré sur la foule et utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour disperser les manifestants. La nature des balles utilisées, réelles ou en caoutchouc, n'était pas claire dans l'immédiat.
Manquant cruellement de devises étrangères, l'île de 22 millions d'habitants a imposé une large interdiction d'importation en mars 2020, entraînant de graves pénuries sur les produits de première nécessité.
Les dernières données officielles publiées vendredi font état d'une l'inflation de 18,7% en mars dans la capitale Colombo, le sixième record mensuel consécutif. Les denrées alimentaires sont particulièrement touchées avec une hausse des prix record de 30,1%.
Jeudi, le diesel était introuvable dans l'intégralité des stations de l'île, selon les autorités et les médias, obligeant l'Etat à imposer une coupure d'électricité généralisée pendant 13 heures, la plus longue jamais enregistrée, faute de diesel pour les générateurs.
Plusieurs hôpitaux publics ont cessé d'effectuer des opérations chirurgicales par manque de médicaments.
- "Printemps arabe" -
"La manifestation de jeudi soir a été menée par des forces extrémistes appelant à un printemps arabe pour créer l'instabilité dans notre pays", a déclaré le bureau de la présidence dans un bref communiqué, une référence aux manifestations antigouvernementales qui ont bouleversé les pays arabes il y a plus de dix ans en réaction à la corruption et à la stagnation économique.
Le couvre-feu de la nuit a été levé tôt vendredi matin, mais la présence de la police et de l'armée a été renforcée dans la ville où l'épave calcinée d'un bus bloquait toujours la route menant à la résidence du président.
Selon des sources officielles, le chef de l'Etat n'était pas chez lui pendant la manifestation. Une émission en direct diffusée par un réseau de télévision privé s'est brusquement arrêtée après ce que les journalistes ont qualifié de pression de la part du gouvernement.
Mais des vidéos partagées sur les réseaux sociaux, dont l'AFP a vérifié l'authenticité, montrent des hommes et des femmes criant "fou, fou, rentre chez toi" et exigeant la démission du clan présidentiel.
Le gouvernement inclut trois frères du président, parmi lesquels le Premier ministre et le ministre des Finances, ainsi qu'un de ses neveux.
La situation difficile du Sri Lanka a été aggravée par la pandémie de Covid-19, qui a torpillé le tourisme et les transferts de fonds. De nombreux économistes affirment également qu'elle a été exacerbée par la mauvaise gestion du gouvernement et par des années d'emprunts accumulés.
Le gouvernement a déclaré qu'il cherchait un renflouement auprès du Fonds monétaire international (tout en demandant des prêts supplémentaires à l'Inde et à la Chine.
Le porte-parole du FMI, Gerry Rice, a déclaré jeudi aux journalistes à Washington que ces discussions devraient commencer "dans les prochains jours", le ministre des finances du Sri Lanka étant attendu dans la capitale américaine.
P.Smid--RTC