Crise entre Quito et Mexico: les diplomates mexicains ont quitté l'Equateur
Le personnel diplomatique mexicain basé à Quito a quitté l'Equateur dimanche, deux jours après le raid policier contre l'ambassade du Mexique qui a déclenché la réprobation internationale et la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.
"Notre personnel diplomatique laisse tout derrière lui en Equateur et rentre chez lui la tête haute (...) après l'assaut contre notre ambassade", a écrit dimanche la ministre des Affaires étrangères mexicaine, Alicia Bárcena, sur le réseau social X (anciennement Twitter).
L'intrusion, sans précédent récent dans le monde, de policiers équatoriens dans l'ambassade mexicaine à Quito pour arrêter l'ancien vice-président équatorien accusé de corruption Jorge Glas, qui s'y était réfugié, a suscité une pluie de critiques depuis vendredi.
Dans la foulée, Mexico a annoncé la rupture des relations diplomatiques avec l'Equateur, suivi par le Nicaragua.
Le raid a été condamné par les gouvernements de gauche d'Amérique latine, du Brésil au Venezuela, en passant par le Chili, et même par l'Argentine du président ultralibéral Javier Milei, ainsi que par l'Organisation des Etats américains, l'Union européenne et l'Espagne.
"Alarmé", le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a estimé que toute violation des enceintes diplomatiques compromettait "la poursuite de relations internationales normales", selon son porte-parole.
Les Etats-Unis - qui condamnent "toute violation de la Convention de Vienne" - ont encouragé le Mexique et l'Equateur "à résoudre leurs différends dans le respect des normes internationales". Cette convention de 1961 prévoit que les ambassades et les consulats "sont inviolables".
La présidente du Honduras, Xiomara Castro, qui assure la présidence temporaire de la Communauté des Etats d'Amérique latine et des Caraïbes (Celac), a appelé à une réunion d'urgence lundi.
- "Hors norme" -
Le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador a dénoncé une "violation flagrante du droit international et de la souveraineté du Mexique", et dit son intention de porter l'affaire devant la Cour internationale de Justice.
M. Glas, 54 ans, a, lui, été transféré samedi dans une prison de haute sécurité à Guayaquil (sud-ouest de l'Equateur), selon des sources gouvernementales.
Des images publiées dans les médias locaux montrent le chef de la mission diplomatique mexicaine, Roberto Canseco, crier "c'est un scandale!" en courant derrière des véhicules quittant son ambassade. S'ensuit une bousculade, au cours de laquelle M. Canseco tombe à terre.
"C'est totalement hors norme, je suis très inquiet qu'ils puissent tuer Jorge Glas", a dit M. Canseco à une télévision locale, encore tremblant.
- "Illégale" -
Le Mexique avait accordé vendredi l'asile à Jorge Glas, réfugié depuis le 17 décembre dans son ambassade à Quito et visé par un mandat d'arrêt pour corruption présumée.
Quito avait qualifié cette décision d'"illégale", dénoncé un "abus des immunités et privilèges" accordés à l'ambassade et une ingérence dans ses affaires intérieures. "Jorge Glas a fait l'objet d'une condamnation exécutoire et d'un mandat d'arrêt émis par les autorités compétentes", a commenté le ministère équatorien de la Communication.
L'octroi de l'asile à M. Glas était intervenu au lendemain de la décision de l'Equateur d'expulser l'ambassadrice mexicaine à Quito, Raquel Serur, à la suite de critiques émises par le président mexicain sur la conduite de la présidentielle équatorienne de 2023.
Mercredi, celui-ci avait accusé les autorités équatoriennes d'avoir exploité l'assassinat du candidat d'opposition Fernando Villavicencio, le 9 août 2023, pour favoriser l'élection du libéral Daniel Noboa, au détriment de la candidate de gauche Luisa González.
Fernando Villavicencio a été abattu après un meeting de campagne dans le nord de Quito à quelques jours de l'élection du 20 août.
Le gouvernement de l'Equateur, qui lutte contre les bandes criminelles se disputant les routes du trafic de drogue, avait jugé ces propos offensants.
Jorge Glas, vice-président entre 2013 et 2017 sous l'ancien président socialiste Rafael Correa (2007-2017), est accusé d'avoir détourné des fonds publics destinés à la reconstruction de villes côtières après un séisme en 2016.
Il avait déjà été condamné en 2017 à six ans de prison pour corruption dans un vaste scandale impliquant le géant de la construction brésilien Odebrecht. Il avait été libéré en novembre dernier.
D.Nelson--RTC