Suède: le Parlement vote une loi très contestée sur la transition de genre
Le Parlement suédois débat mercredi d'une proposition de loi vivement contestée abaissant de 18 à 16 ans l'âge minimum pour changer de sexe à l'état civil, dans un pays qui fut le premier à légaliser ce changement en 1972.
Le texte, qui doit également simplifier cette procédure de changement de l'état civil, a affaibli le Premier ministre conservateur Ulf Kristersson, selon les analystes, le chef du gouvernement ayant reconnu qu'il avait dû plier devant certains courants de son parti.
"La procédure est très longue, changer de genre à l'état civil peut prendre jusqu'à sept ans en Suède", a dit à l'AFP Peter Sidlund Ponkala, président de la Fédération nationale pour les droits des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et queers (RFSL).
Selon la proposition, deux nouvelles lois remplaceraient la législation actuelle : l'une réglementant les procédures chirurgicales de changement de sexe, et l'autre réglementant la procédure de changement de genre à l'état civil.
Si le Parlement adopte cette proposition, le changement à l'état civil deviendra possible dès 16 ans. Pour les moins de 18 ans, l'accord des parents, d'un médecin et de la Direction nationale de la santé et des affaires sociales sera nécessaire.
Un diagnostic de "dysphorie de genre", établissant qu'une personne souffre en raison d'un décalage entre son sexe biologique et le genre auquel elle s'identifie, ne sera en revanche plus exigé.
La chirurgie de transition de genre restera autorisée à partir de 18 ans seulement mais ne nécessitera plus l'accord de la Direction nationale de la santé.
L'ablation des ovaires ou des testicules ne sera permise qu'à partir de l'âge de 23 ans, comme aujourd'hui.
- Dysphorie de genre en forte hausse -
Un grand nombre de pays européen ont déjà adopté des lois facilitant la transition de genre à l'état civil.
Invoquant la prudence, la Suède a décidé en 2022 de limiter l'accès aux traitements hormonaux de changement de genre pour les mineurs, et a drastiquement restreint le recours à l'ablation des seins chez les adolescentes.
Le pays nordique constate une forte augmentation des cas de dysphorie de genre, une tendance particulièrement visible chez les 13-17 ans nés de sexe féminin, avec une hausse de 1.500% depuis 2008, selon la Direction de la santé.
Dans une société suédoise longtemps ouverte au changement de genre, les partis politiques se déchirent sur cette nouvelle proposition de loi et les universitaires, les professionnels de la santé et les commentateurs se rangent dans les deux camps.
Selon un sondage publié cette semaine, près de 60 % des Suédois sont opposés à la proposition, tandis que 22 % seulement la soutiennent.
Des critiques ont émergé sur la présence de personnes de sexe biologique masculin dans les prisons ou les vestiaires pour femmes. D'autres s'inquiètent que cette simplification de procédure n'encourage les jeunes désorientés à s'engager sur la voie des transitions chirurgicales.
Des politiques plaident pour des études supplémentaires, étant donné le manque d'explications sur cette montée des cas de dysphorie de genre.
- Divisions profondes -
"Il existe une corrélation évidente avec différents types de troubles psychiatriques ou de diagnostics, tels que l'autisme", a déclaré Annika Strandhäll, chef de la branche féminine des sociaux-démocrates (S-kvinnor), à l'agence de presse suédoise TT.
"Nous voulons faire une pause (dans le changement d'âge) et attendre que des recherches supplémentaires expliquent cette augmentation" des cas de dysphorie de genre.
Le président de la RSFL juge lui que la simplification de la loi est importante pour les transgenres qui sont "vulnérables".
"Ils doivent affronter de nombreux risques (..) nous voyons que le climat politique s'est durci", ajoute-t-il.
Le Premier ministre suédois a jugé la proposition de loi "équilibrée et responsable".
Sa coalition est cependant divisée sur ce texte, les Modérés et les Libéraux le soutenant tandis que les Chrétiens-démocrates et les Démocrates de Suède, parti d'extrême-droite qui soutient l'exécutif, s'y opposent.
M. Kristersson a cherché l'appui de l'opposition de gauche pour faire adopter la proposition.
Il a aussi reconnu qu'il aurait voulu maintenir la limite d'âge à 18 ans mais a dû céder en interne à ceux qui voulaient l'abaisser, pourtant minoritaires.
Si cette proposition est votée, elle entrera en vigueur le 1er juillet 2025.
G.Stewart--RTC