Le Portugal fête le 50e anniversaire de la Révolution des Œillets
Le Portugal commémore jeudi le cinquantenaire de la Révolution des Œillets, un coup d'Etat militaire réalisé sans effusion de sang par de jeunes officiers, qui a mis fin à 48 ans de dictature et 13 années de guerres coloniales en Afrique.
Point d'orgue de centaines d'initiatives étalées sur plusieurs semaines, la journée de jeudi a débuté par une cérémonie militaire sur une grande place du centre de Lisbonne, en bordure de l'estuaire du Tage.
Elle sera conclue par une rencontre entre le président portugais, le conservateur Marcelo Rebelo de Sousa, et ses homologues des pays africains devenus indépendants après la Révolution: l'Angola, le Mozambique, la Guinée-Bissau, le Cap-vert et Sao Tomé et Principe.
M. Rebelo de Sousa a créé la surprise en soulevant la question d'éventuelles réparations coloniales. "Nous sommes responsables de ce que nous avons fait là-bas. (...) Il faut payer les coûts", a-t-il dit devant des représentants de la presse étrangère à Lisbonne.
Il n'a pourtant pas précisé comment le Portugal pourrait "faire la réparation" de ces "comportements historiques inacceptables" et, surtout, sa position n'est pas soutenue par le nouveau gouvernement de droite issu des élections du mois dernier.
"C'est un sujet toxique" et "inopportun", a indiqué une source gouvernementale citée par l'hebdomadaire Expresso.
- Percée de l'extrême droite -
Comme chaque année, les principaux responsables politiques du pays prendront la parole lors d'une "session solennelle" prévue au Parlement puis, dans l'après-midi, des milliers de personnes sont attendues pour le traditionnel défilé populaire dans le centre de Lisbonne.
Les célébrations de l'avènement de la démocratie au Portugal interviennent cette année dans un contexte marqué en outre par une nouvelle percée électorale de l'extrême droite, le parti "Chega" ("Assez") ayant nettement renforcé son rang de troisième force politique du pays avec 18% des voix.
Selon une enquête publiée la semaine dernière, la moitié des personnes interrogées a estimé que le régime autoritaire renversé en 1974 avait davantage d'aspects négatifs que positifs, mais un cinquième d'entre elles a affirmé le contraire.
En tout cas, 65% de l'échantillon a considéré que la révolution du 25 avril était l'événement le plus important de l'histoire du Portugal, loin devant l'adhésion à l'ancêtre de l'Union européenne en 1986, ou la fin de la monarchie en 1910.
"La motivation principale était de régler le problème de la guerre coloniale", a rappelé à l'AFP le colonel à la retraite Vasco Lourenço, président de l'Association 25 avril héritière du "mouvement des capitaines" qui a organisé le soulèvement.
Ces jeunes officiers ont mis presque un an à monter cette "conspiration" et à réaliser "un coup d'Etat visant à ouvrir la voie à la liberté, mettre fin à la guerre et construire la démocratie au Portugal", a-t-il ajouté.
- "Dieu, patrie, famille" -
La Révolution des Œillets a été baptisée ainsi car la population, qui s'est aussitôt rangée du côté des putschistes, a distribué ces fleurs du printemps à certains soldats qui les ont planté dans le canon de leur fusil.
"Ce seront surtout les images prises ce jour là qui vont transformer l'œillet rouge en symbole de la Révolution du 25 avril et qui finira par donner une vision romantique, poétique à un acte qui tenait beaucoup de l'héroïsme, même si cette révolution a été particulièrement pacifique", explique l'historienne Maria Inacia Rezola, en charge du vaste programme de commémorations.
Pendant les années de plomb marquées par le slogan du dictateur Antonio Salazar - "Dieu, patrie, famille" -, le Portugal est resté "un pays pauvre, arriéré, analphabète et isolé du reste du monde", décrit-elle.
Après des mois de tension qui ont failli dégénérer en guerre civile, la période révolutionnaire s'est refermée le 25 novembre 1975 avec une intervention militaire du général Antonio Ramalho Eanes, devenu l'année suivante le premier président démocratiquement élu du Portugal.
Autre personnage clé de l'époque, le socialiste Mario Soares a remporté les premières élections libres au suffrage universel, organisées le 25 avril 1975 pour former l’assemblée constituante qui a rédigé l'actuelle loi fondamentale du pays.
Y.Schmitz--RTC