Etape montagnarde pour Macron et Xi au second jour de visite du président chinois
Après les ors de l'Elysée, la neige des cimes: Emmanuel Macron emmène mardi Xi Jinping dans les Pyrénées au second jour de sa visite d'Etat, pour une escapade "personnelle" censée permettre un dialogue plus direct sur la guerre en Ukraine ou les désaccords commerciaux.
Les deux dirigeants sont attendus à la station de ski de La Mongie, dans un cadre qui contraste avec celui du palais présidentiel où, entre un accueil en grande pompe et un banquet fastueux, ils n'ont pas cherché à dissimuler les différends sur le commerce entre l'Europe et la Chine.
Le président français a appelé à un "cadre de concurrence loyale", se félicitant à l'issue des discussions d'avoir préservé le cognac français de la menace de taxes douanières chinoises "provisoires".
"Le soi-disant +problème de la surcapacité de la Chine+ n'existe pas", leur a répondu sèchement Xi Jinping.
Sur l'Ukraine, le président chinois a notamment appelé lundi à ne pas "salir" son pays sur le dossier ukrainien, Pékin jouant selon lui un "rôle positif" pour trouver une solution pacifique à la guerre.
Et il a apporté son soutien à une "trêve olympique" à l'occasion des Jeux de Paris cet été, poussée également par Emmanuel Macron. Selon une source diplomatique française, cette trêve pourrait servir, s'agissant de l'Ukraine, à enclencher un processus plus politique après plus de deux ans de conflit.
Mais Paris, qui insiste depuis un an pour que Pékin fasse pression sur la Russie pour contribuer à mettre fin à la guerre, se veut "lucide" sur les chances limitées d'une percée rapide. D'autant que le président chinois reste le principal allié de son homologue russe Vladimir Poutine, qu'il doit recevoir prochainement.
- Séduction -
"Nos montagnes françaises", "j'espère, continueront de nous inspirer", a lancé lundi, lyrique, le président français en accueillant son homologue chinois à Paris pour la première fois depuis 2019. Il a dit s'attendre au col du Tourmalet, mythique ascension du Tour de France située dans les Hautes-Pyrénées (sud-ouest), à des "discussions fructueuses et amicales".
L'étape pyrénéenne pourrait, dans l'esprit de la délégation française, favoriser "un échange franc et amical" sur ces sujets épineux. L'idée est de casser l'imposant protocole qui accompagne le moindre déplacement du numéro un chinois.
Ce coin de montagne est "directement lié à l'histoire très personnelle" d'Emmanuel Macron, explique son entourage. Celui qui fêtera mardi les 7 ans de sa première élection, a passé de nombreuses vacances entre le bourg de Bagnères-de-Bigorre et La Mongie avec ses grands-parents auxquels il était très attaché.
Mardi, Emmanuel Macron et Xi Jinping, accompagnés de leurs épouses, déjeuneront dans le restaurant d'altitude d'Eric Abadie, éleveur et ami du président. Une sorte de réponse à la cérémonie du thé de l'an qu'ils avaient partagée l'an dernier à Canton dans la résidence officielle où le père du président chinois avait vécu quand il était gouverneur de la province du Guangdong.
"La diplomatie d'Emmanuel Macron a toujours misé, de manière peut-être excessive, sur le pouvoir de séduction", analyse Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales à Sciences Po. "Il y a toujours eu chez lui l'idée que ses relations personnelles pouvaient renverser les structures", ajoute-t-il.
Le cadre intimiste du Tourmalet participe de cette volonté.
"Mais c'est mal connaître Xi Jinping qui n'est pas vraiment un grand sentimental", prévient le chercheur.
Le candidat des socialistes aux élections européennes de juin Raphaël Glucksmann juge lui plus sévèrement cette stratégie, reprochant au dirigeant français de "dérouler le tapis rouge" de façon "obséquieuse" à un "dictateur". Il dresse, dans une lettre ouverte au chef de l'Etat, un parallèle avec ses "cinq années d'offensive de charme" vis-à-vis de Vladimir Poutine, qui se sont soldées par un "échec".
Avant l'invasion de l'Ukraine, Emmanuel Macron l'avait en effet accueilli tour à tour dans sa résidence officielle de Brégançon, sur la Côte-d'Azur, ou au château de Versailles.
La comparaison ne convient pas à Bertrand Badie. Avec la Chine de Xi Jinping, "il y a un vrai travail à faire" car personne, jusqu'ici, "n'a trouvé la clé des relations euro-chinoises".
P.Johnson--RTC