"Agent orange": 14 groupes agrochimiques, dont Bayer-Monsanto, assignés en justice
Le procès en appel de 14 groupes agrochimiques, dont le géant Bayer-Monsanto, assignés par une Franco-Vietnamienne pour avoir fourni aux Etats-Unis l'"agent orange", défoliant utilisé durant la guerre du Vietnam, s'ouvre mardi à Paris.
Mme Tran To Nga, 82 ans, "souffre de tuberculoses à répétition, d’un cancer et d'un diabète de type II", dénonce l'association Vietnam Dioxine, louant un procès qui représente "l'unique espoir pour les plus de 3 millions de victimes de l’agent orange", déversé sur le Vietnam par les avions américains durant la guerre, achevée en 1975.
En 2021, Mme Nga avait été déboutée par le tribunal d’Evry, qui s’était déclaré incompétent pour traiter sa plainte contre les géants agrochimiques, dont Bayer-Monsanto, Dow Chemical et Hercules, estimant que les sociétés avaient "agi sur ordre et pour le compte de l’Etat américain" et qu’elles pouvaient, de ce fait, se prévaloir de "l’immunité de juridiction".
Cette fois-ci, la défense espère renvoyer le dossier vers le tribunal d’Evry pour être de nouveau jugé, selon Me William Bourdon, avocat de Mme Nga, expliquant que l’audience de mardi ne devrait "débattre que de la question de l'immunité de juridiction", qui permet à un Etat d'éviter des poursuites devant les tribunaux d'un autre Etat.
La décision devrait être mise en délibéré.
L'avocat espère ouvrir la "porte à l’indemnisation" en cas de victoire, expliquant que "très tôt", les sociétés américaines "ont eu connaissance de la dangerosité du produit".
"La question qui est posée à la Cour d'appel, c'est de savoir si, comme les sociétés l'affirment, elles ont agi sous la contrainte (...) au nom de l’Etat américain", appuie son collègue Me Bertrand Repolt.
- "Nuage blanc" –
D'après le collectif, le défoliant utilisé massivement par l’armée américaine entre 1961 et 1971, aurait entraîné des conséquences à long terme sur la vie de Mme Nga, exposée à la substance chimique quand elle avait 24 ans et dont elle a tiré un livre, "Ma terre empoisonnée", publié en 2016.
Née en 1942 en Indochine française, elle avait été exposée à l'"agent orange" - qui tient son nom de la couleur du bandeau peint sur les barils contenant ce défoliant - déversé par l'armée américaine.
"L'avion est passé avec un nuage blanc derrière lui. Ça tombe très rapidement, et c'est comme ça que je me suis retrouvée enveloppée d'un liquide gluant, et tout de suite, j'ai commencé à tousser, à m'étouffer", a-t-elle récemment relaté lors d'une conférence de presse.
Sa fille, née en 1969, est décédée d’une malformation cardiaque au bout de "17 mois", précise le collectif, ajoutant que ses deux autres filles et ses petits-enfants seraient atteints de "pathologies graves".
En 2005, un recours de l’association vietnamienne des victimes aux Etats-Unis contre onze fabricants d’herbicide, dont Dow Chemica et Monsanto, pour crime contre l’humanité et crime de guerre, avait été débouté au motif que l’agent orange était un herbicide et non une arme chimique.
Une décision que dénonce le collectif, notamment à cause du fort taux de dioxine contenu dans les "80 millions" de litres de produit déversés sur les forêts vietnamiennes à l’origine, selon lui, des soucis de santé de "2,1 à 4,1 millions" de personnes.
O.Valdez--RTC