Raids israéliens et bombardements à Rafah, négociations au Caire sur une trêve à Gaza
L'armée israélienne a mené mercredi des frappes aériennes et dit poursuivre ses opérations au sol "ciblées" à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, à l'heure où se tiennent au Caire de délicates négociations en vue d'une trêve entre Israël et le Hamas.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, menace de lancer une offensive terrestre d'ampleur contre la ville de Rafah, qui abrite selon l'ONU 1,4 million de Palestiniens, en majorité déplacés par la guerre, pour éliminer les derniers bataillons du mouvement islamiste.
Avant ce déploiement, l'armée avait appelé lundi des dizaines de milliers de familles à évacuer plusieurs quartiers de l'est de cette ville, dans le cadre de ses plans de "démantèlement du Hamas", au pouvoir à Gaza depuis 2007, auteur le 7 octobre sur le sol israélien d'une attaque sanglante qui a déclenché la guerre.
Les soldats israéliens ont poursuivi mercredi leurs "opérations ciblées du côté gazaoui du point de passage, dans l'est de Rafah, sur la base d'informations faisant état de terroristes opérant dans le secteur", a indiqué l'armée.
"Plusieurs terroristes ont été éliminés lors d'affrontements" depuis la veille, tandis que les soldats ont découvert et détruit "des ouvertures de tunnels", a-t-elle ajouté.
- "Nous avons très peur" -
L'aviation, selon l'armée, a frappé "plus de 100 cibles" de groupes armés à travers le territoire.
Pendant la nuit, des blessés et des corps ont été retirés à Rafah des décombres d'habitations détruites par les bombardements, devant des habitants en pleurs.
"Nous avons très peur. L'armée d'occupation continue de tirer à l'aveuglette des obus sur des quartiers de l'est de Rafah, en plus d'une intensification des frappes aériennes", a raconté à l'AFP un habitant de la ville de 29 ans, Mouhanad Ahmad Qishta.
"Même les zones présentées comme sûres par l'armée israélienne sont bombardées", a-t-il ajouté.
La guerre a éclaté le 7 octobre quand des commandos du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza ont mené une attaque contre Israël, sans précédent dans l'histoire de ce pays, qui a fait plus de 1.170 morts, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
Plus de 250 personnes ont été enlevées et 128 restent captives à Gaza, dont 36 seraient mortes, selon l'armée.
En riposte, l'armée israélienne a lancé une offensive qui a fait jusqu'à présent 34.844 morts, selon le ministère de la Santé du Hamas, dont 55 en 24 heures.
- "Inacceptable" -
Sous la pression des Etats-Unis, son principal allié, Israël a annoncé mercredi la réouverture du passage de Kerem Shalom, près de Rafah, fermé depuis dimanche après des tirs de roquettes du Hamas qui ont tué quatre soldats.
Des camions en provenance d'Egypte transportant de la nourriture, de l'eau et des médicaments sont arrivés à Kerem Shalom et doivent après inspection entrer dans la bande de Gaza.
Un deuxième passage depuis Israël, celui d'Erez, d'où l'aide est transférée vers le nord de Gaza, continue de fonctionner, selon l'armée.
L'ONU avait affirmé mardi ne plus disposer que d'un jour de réserves de fioul pour les opérations humanitaires à Gaza, et appelé à rouvrir les passages.
Il ne restait mercredi que "trois jours de carburant" aux hôpitaux du sud de Gaza, "ce qui signifie qu'ils pourraient bientôt cesser de fonctionner", a averti le directeur général de l'Organisation mondiale de la Santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Washington a jugé "inacceptable" la fermeture des points de passage, alors que la population de Gaza est menacée de famine, selon l'ONU.
Les Etats-Unis ont aussi "suspendu la livraison d'une cargaison" de bombes à Israël après l'absence de réponse de ce pays face à ses "inquiétudes" concernant une offensive à Rafah, a dit un responsable américain.
- "Round décisif" -
Au Caire, les négociations indirectes ont repris mercredi, selon un média proche des autorités égyptiennes, pour tenter de parvenir à un compromis sur une trêve et éviter un assaut à Rafah, où l'ONU a dit redouter un "bain de sang".
Le Qatar a de son côté appelé la communauté internationale à agir pour empêcher un "génocide" à Rafah.
Des représentants d'Israël et du Hamas, ainsi que des pays médiateurs - Qatar, Egypte et Etats-Unis - sont présents dans la capitale égyptienne.
Selon l'analyste palestinien Mkhaimar Abusada, de l'université Al-Azhar de Gaza, le moment choisi pour la prise de contrôle du passage de Rafah par Israël "pourrait montrer qu'il tente de saboter les pourparlers". "Cette prise de contrôle est aussi un symbole montré au monde du fait que le Hamas n'a plus le contrôle", a-t-il ajouté.
Lundi, quelques heures avant le déploiement de troupes israéliennes à Rafah, le Hamas avait donné son feu vert à une proposition présentée par les médiateurs.
Celle-ci, selon un responsable du mouvement, Khalil al-Hayya, comprend une trêve en trois phases, chacune d'une durée de 42 jours, incluant un retrait israélien du territoire ainsi qu'un échange d'otages retenus à Gaza et de Palestiniens détenus par Israël, dans le but d'un "cessez-le-feu permanent".
Israël a répondu que cette proposition était "loin de ses exigences" et répété son opposition à un cessez-le-feu définitif tant que le Hamas, qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne, ne serait pas vaincu.
Mercredi, un responsable du Hamas a de nouveau insisté sur "les revendications légitimes" des Palestiniens et parlé d'un "round décisif" au Caire.
Benjamin Netanyahu a indiqué avoir donné pour consigne à sa délégation de "continuer à se montrer ferme sur les conditions nécessaires à la libération" des otages et "essentielles" à la sécurité d'Israël.
"Cela pourrait être la dernière chance" pour Israël "de récupérer les captifs (...) vivants", selon un responsable du Hamas.
P.Batteux--RTC