Nouvelle-Calédonie: nouvelle nuit d'émeutes, les députés adoptent la révision constitutionnelle
Les émeutes se sont poursuivies pour la deuxième nuit consécutive en Nouvelle-Calédonie, donnant lieu à de nombreuses interpellations, alors que l'Assemblée nationale a adopté la révision constitutionnelle réformant le corps électoral tant décriée par les indépendantistes.
Le Haut-commissariat de la République a annoncé mercredi plus de 130 interpellations durant ces émeutes. "Plusieurs dizaines d'émeutiers ont été placés en garde à vue et seront présentés à la justice", a précisé le Haut-commissariat dans un nouveau point de situation.
Alors que de "graves troubles à l'ordre public sont toujours en cours", selon le communiqué qui fait état de "nombreux incendies et pillages de commerces, d'infrastructures et d'établissements publics, dont plusieurs écoles et collèges", les députés à Paris ont adopté, après les sénateurs, le texte du gouvernement par 351 voix contre 153.
Ce projet de loi constitutionnelle vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l'archipel. Les partisans de l'indépendance jugent que ce dégel risque de "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak".
- Ecoles et aéroport fermés -
Au vu des heurts de la nuit, les établissements scolaires "resteront fermés jusqu’à nouvel ordre", a annoncé le Haut commissariat dans la matinée. L'aéroport de La Tontoura quant à lui "reste fermé aux vols commerciaux".
Mardi, le Premier ministre Gabriel Attal avait appelé au dialogue et à l'apaisement durant les questions au gouvernement au Palais Bourbon.
"Les violences ne sont ni justifiables, ni tolérables", a poursuivi le chef du gouvernement, "notre priorité aujourd'hui, c'est le retour au calme".
Dans l'agglomération de Nouméa, le couvre-feu décrété par le Haut-commissaire de la République est entré en vigueur mardi à 18h00 locales (09h00 à Paris).
Sur fond sonore de cris et de détonations, quelques personnes ont osé braver l'interdiction, a constaté un correspondant de l'AFP.
Dans la banlieue de Doumbéa (nord), un groupe de jeunes marchait les bras chargés de cartons issus du pillage de commerces.
A la tombée de la nuit, les actes de vandalisme ont repris de plus belle. Une grande enseigne de sport de la banlieue de Nouméa a été pillée, selon une correspondante de l'AFP.
"Un mouvement collectif impliquant une cinquantaine de détenus", qui avait débuté dans la nuit de mardi à mercredi dans la prison du Camp-Est de Nouméa, a par ailleurs été "maîtrisé" par les forces de l'ordre, a indiqué la Chancellerie.
Le Haut-Commissariat avait parlé de "mutinerie". Des vidéos postées sur les réseaux sociaux montraient des détenus cagoulés et brandissant des barres métalliques se déplaçant dans des couloirs de la prison.
Magasins pillés, maisons incendiées, tirs sur les gendarmes: dans la nuit de lundi à mardi, le territoire français du Pacifique Sud a connu ses plus graves violences depuis les années 1980.
- "Détermination" -
"Plus de 70 policiers et gendarmes ont été blessés", a indiqué le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.
"80 chefs d'entreprises ont vu leur outil de production brûlé ou détruit", a-t-il précisé.
Le président de l'Union calédonienne (indépendantiste) Daniel Goa a demandé à la jeunesse de "rentrer chez elle" et condamné pillages et exactions. "Les troubles de ces 24 dernières heures révèlent la détermination de nos jeunes de ne plus se laisser faire par la France", a-t-il toutefois commenté.
La principale figure du camp non-indépendantiste, l'ex-secrétaire d'Etat Sonia Backès, a dénoncé le racisme anti-blancs de manifestants qui ont incendié la maison de son père, septuagénaire, exfiltré par le GIGN.
"S'il n'a pas été attaqué parce qu'il était mon père, il a au moins été attaqué parce qu'il était blanc", a-t-elle affirmé sur BFMTV, déplorant des "insultes racistes".
- "Déchaînement" -
Les premières altercations entre manifestants et forces de l'ordre avaient commencé dans la journée de lundi, en marge d'une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle.
Dans la crainte d'un enlisement, des éléments du GIGN, du RAID (son équivalent pour la police), quatre escadrons de gendarmes mobiles et deux sections de la CRS 8, une unité spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines, ont été mobilisés.
Des renforts étaient en cours d'acheminement dans l'archipel, a annoncé Gérald Darmanin.
50 membres du GIGN, unité d'élite de la gendarmerie, vont être envoyés d'ici la fin de la semaine, a précisé une source proche du dossier à l'AFP, en plus des 15 membres déjà arrivés en renfort mardi. Ce qui portera au total à une centaine les effectifs du GIGN présents sur l'île.
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Ch.P.Robertson--RTC