RDC : "tentative de coup d'Etat" déjouée à Kinshasa, selon les autorités
L'armée de la République démocratique du Congo a annoncé dimanche avoir déjoué à Kinshasa une "tentative de coup d'Etat" ayant impliqué des Congolais mais aussi plusieurs Américains et un Britannique, un incident qui soulève beaucoup de questions sur fond de tensions politiques et de conflit dans l'est.
Cette annonce est intervenue alors que des tirs d'armes automatiques avaient été entendus en fin de nuit aux abords du "palais de la Nation", qui abrite des bureaux du président Félix Tshisekedi, après l'attaque par des hommes armés du domicile d'un ministre situé à proximité, dans la commune de la Gombe, au bord du fleuve Congo.
"Une tentative de coup d'Etat a été étouffée dans l'œuf par les forces de défense et de sécurité", a déclaré dans la matinée à la télévision nationale le général Sylvain Ekenge, porte-parole des Forces armées de RDC (FARDC).
Les assaillants sont "de plusieurs nationalités", a expliqué le porte-parole de l'armée. Outre Christian Malanga, "il y a son fils", "deux autres sujets américains, des blancs", ainsi qu'"un sujet naturalisé britannique", a ajouté le général.
Plus tôt dans la journée, l'ambassadrice des États-Unis s'était déclarée sur X "très préoccupée par les rapports faisant état de citoyens américains prétendument impliqués" dans cette tentative de coup d'Etat.
Selon le général Ekenge, les assaillants avaient l'intention de s'attaquer dans un premier temps aux domiciles de la nouvelle Première ministre, Judith Suminwa, et du ministre de la Défense, Jean-Pierre Bemba.
Mais "ils n'ont pas pu identifier le domicile" de la première et n'ont "pas trouvé" le deuxième chez lui. Ils se sont alors "attaqués à la résidence de Vital Kamerhe", le ministre de l'Economie, qui était chez lui avec sa famille.
Lui et ses proches n'ont pas été touchés, mais deux policiers qui assuraient leur protection ont été tués.
Les hommes armés se sont ensuite rendus au palais de la Nation.
- Cinq mois après les élections -
Des vidéos, apparemment filmées par les assaillants eux-mêmes, ont montré des hommes en treillis dans le bâtiment - où le président Félix Tshisekedi ne se trouvait pas - brandissant le drapeau du Zaïre, ancien nom de la RDC du temps de Mobutu Sese Seko, le dictateur renversé en 1997.
"Le temps est arrivé. Vive le Zaïre, vive les enfants de Mobutu", lançait en lingala Christian Malanga, un ancien militaire. "Félix est tombé (...), nous sommes vainqueurs", proclamait-il.
En tout début de matinée, des informations avaient commencé à circuler sur les réseaux sociaux, évoquant une attaque contre le domicile du ministre de l'Economie par des hommes armés dont certains s'étaient ensuite rendus au palais de la Nation tandis que d'autres tentaient de s'enfuir par le fleuve Congo.
Durant ces "événements", un obus est tombé "malencontreusement" de l'autre côté du fleuve, dans un quartier de Brazzaville, faisant "quelques blessés légers", selon le gouvernement de la République du Congo.
Dans la journée, la situation était calme à Kinshasa.
"J'ai un peu peur de circuler comme ça à la Gombe, il n'y a pas beaucoup de monde... Mais je suis obligé d'écouler ma marchandise", déclarait Jean-Mbuta, un marchand de pain. Papa Fely, chauffeur de taxi, lui, n'avait "pas peur", mais déplorait que des gens pensent régler leurs problèmes en "prenant les armes".
"Une enquête sérieuse et profonde est nécessaire pour faire toute la lumière sur ce grave incident", a demandé le mouvement citoyen Lucha (Lutte pour le changement), s'interrogeant notamment sur l'apparente facilité avec laquelle des hommes "lourdement armés" avaient pu entrer dans le palais de la Nation.
"Les mesures ont été prises pour renforcer à la fois la sécurité des Institutions, des officiels et celle de la ville de Kinshasa", a assuré le gouvernement.
Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis janvier 2019, a été réélu dès le premier tour de la présidentielle du 20 décembre, avec plus de 73% des voix, et les partis de son "Union sacrée" ont raflé quelque 90% des sièges aux législatives organisées le même jour.
Le 23 avril, M. Kamerhe a été désigné candidat de l'Union sacrée à la présidence de l'Assemblée nationale. Mais, cinq mois après les élections et un mois et demi après la nomination de Judith Suminwa, le bureau définitif de l'Assemblée et le nouveau gouvernement se font toujours attendre, leur composition faisant manifestement l'objet d'âpres négociations.
Le pays est par ailleurs confronté dans sa partie est à une grave crise sécuritaire, avec une rébellion (le M23), soutenue par le Rwanda, qui occupe de vastes pans de la province du Nord-Kivu.
E.Reyes--RTC