"Ni meneur, ni monstre", un prince allemand dément avoir comploté contre l'Etat
Le prince Henri XIII Reuss, descendant d'une lignée d'aristocrates de l'est de l'Allemagne, nie avoir été le meneur d'un groupe de complotistes présumés qui comparaissent depuis mardi pour avoir fomenté un renversement par les armes du gouvernement.
Ce procès, sans précédent dans l'histoire allemande récente qui se tient sous haute sécurité à Francfort (ouest), est le deuxième concernant cette affaire impliquant au total 26 suspects, et dont la révélation fin 2022 avait stupéfié le pays.
Un troisième groupe d'accusés sera jugé à partir du 18 juin à Munich (sud).
Parmi les neuf personnes - six hommes et trois femmes- sur le banc des accusés mardi figurent les cerveaux présumés du groupe nourri aux idéologies complotistes et d'extrême droite.
Ils projetaient d'envahir la chambre des députés à Berlin -- le Bundestag -- pour y arrêter les élus et faire tomber le gouvernement, selon le parquet fédéral.
Détenue depuis le coup de filet de décembre 2022, la juge et ancienne députée du parti d'extrême droite AfD, Birgit Malsack-Winkemann, s'est présentée au tribunal vêtue d'une doudoune noire.
Derrière elle, Henri XIII, dit Prince Reuss, accusé d'être le principal instigateur de la tentative de coup d'Etat, portait un blazer sombre et affichait un air détendu.
Les défenseurs de ce dernier ont rejeté les faits qui lui sont reprochés de même que le portrait des médias qui ont présenté leur client "comme le grand monstre".
"Mais nous allons rectifier cela. Il n'est pas un leader, ni un meneur. Et il n'est pas non plus membre d'un groupe terroriste. C'est tout", a déclaré son avocat Roman von Alvensleben en marge du procès qui a commencé avec retard en raison de plusieurs requêtes de la défense.
- Pas "des fous inoffensifs"
Les suspects sont jugés pour "participation à un groupe terroriste" qui s'était "fixé pour objectif d'éliminer par la force l'ordre étatique" et pour "préparation d'un acte de haute trahison".
Il s'agit de la principale procédure contre ce réseau dont le démantèlement avait mis en lumière les ressorts de la menace conspirationniste et antisystème en Allemagne.
Ce ne sont pas des "fous inoffensifs, mais plutôt de dangereux suspects terroristes", qui préparaient "un coup d'Etat violent", animés "par la haine de notre démocratie", a jugé la ministre de l'Intérieur Nancy Faeser dans un communiqué mardi.
Selon l'acte d'accusation, le groupuscule prévoyait d'installer provisoirement à la tête du pays l'aristocrate et homme d'affaires de 72 ans.
Un ex-lieutenant colonel de l'armée allemande, Rüdiger von Pescatore, 70 ans, commandant d'un bataillon de parachutistes dans les années 1990, figure également parmi les accusés, aux côtés d'un ex-colonel de l'armée, d'un ancien soldat des forces spéciales KSK et d'un ex-policier.
Tous sont notamment influencés par l'idéologie des "Reichsbürger" (citoyens du Reich, ndlr), une mouvance hétéroclite qui nie à la République fédérale d'Allemagne toute légitimité.
Selon le parquet, les accusés affirment que l'Allemagne est dominée par une "secte conspiratrice d'élites pédophiles".
Une idéologie rappelant aussi la mouvance complotiste QAnon venue des Etats-Unis.
- Ingérence de Moscou? -
Selon le parquet, la Russe Vitalia B., compagne de M. Reuss et poursuivie de son côté par la justice pour avoir soutenu le groupe, l'aurait "mis en contact (...) avec le consulat général de Russie à Leipzig et l'y a accompagné en juin 2022".
Il cherchait à s'assurer le soutien des autorités russes, même si au moment du démantèlement de la cellule, le Kremlin avait -- comme à son habitude -- démenti toute ingérence.
Le réseau s'était donné les moyens de ses ambitions, avec "environ 500.000 euros" à disposition, ainsi qu'un "arsenal d'environ 380 armes à feu, de près de 350 armes blanches ainsi que 500 autres armes et au moins 148.000 munitions", selon les enquêteurs.
"Il était clair pour les membres (du groupuscule, ndlr) que la prise de pouvoir en préparation impliquerait la mort de personnes", ont-ils estimé.
Les autorités allemandes ont classé ces dernières années la violence d'extrême droite au premier rang des menaces contre l'ordre public, avant le risque jihadiste.
Plusieurs réseaux ont été démantelés depuis deux ans, dont l'un planifiait l'enlèvement du ministre de la Santé, à l'origine des mesures de restriction anti-Covid.
E.P.Marquez--RTC