Nouvelle-Calédonie: Macron entame une nouvelle salve de rencontres avec des responsables politiques
Emmanuel Macron a entamé jeudi en Nouvelle-Calédonie la partie la plus délicate de sa visite dans l'archipel par une nouvelle salve de rencontres avec des responsables politiques locaux pour tenter d'amorcer un retour au "dialogue" et à la "sécurité" après plus d'une semaine d'émeutes.
A la nuit tombée à Nouméa, le chef de l'Etat a rencontré dans un premier temps l'aile modérée des non-indépendantistes. Etaient notamment présents Philippe Gomès et Philippe Dunoyer, figures de Calédonie Ensemble.
En désaccord avec eux sur la marche à suivre, l'ex-secrétaire d'Etat Sonia Backès, cheffe de file de la branche radicale des loyalistes, et le député Renaissance de Nouvelle-Calédonie, Nicolas Metzdorf, ont été reçus dans un second temps.
Emmanuel Macron souhaite ensuite rencontrer le camp indépendantiste. Mais qui sera autour de la table ?
Une première réunion, jeudi matin à Nouméa, a notamment été boycottée par le Sénat coutumier, une institution consultative dont le rôle est de défendre l'identité kanak. Son président, Victor Gogny, a ainsi voulu dénoncer "un passage en force de l'Etat" qui a rompu "le contrat de confiance" avec son projet de réforme constitutionnelle du dégel du corps électoral, rejeté par les kanaks.
- "Décisions" dans la journée -
Le chef de l'Etat ne s'est pas prononcé sur un éventuel report du Congrès qui doit réunir députés et sénateurs avant la fin juin pour entériner la réforme, sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient d'ici là.
Mais son objectif est clair: un retour "le plus vite possible (...) à la paix, au calme, à la sécurité" et une reprise du "dialogue", a-t-il déclaré dès sa descente de l'avion à l'aéroport de Nouméa.
Il a promis des "décisions" et des "annonces" à "l'issue de cette journée", même s'il a assuré n'avoir "pas de limite" de temps sur place.
Alors que depuis le début des émeutes, six personnes ont été tuées, dont deux gendarmes mobiles, le chef de l'Etat a observé une minute de silence en préambule d'une première réunion avec des élus et acteurs économiques, poursuivie par un déjeuner informel et la visite d'un commissariat.
Ce "mouvement d'insurrection absolument inédit", "personne ne l’avait vu venir avec ce niveau d’organisation et de violence", a-t-il lancé aux gendarmes et policiers présents.
Quant à l'état d'urgence en vigueur depuis une semaine, il "pense" qu'il "ne devrait pas être prolongé" au-delà des 12 jours légaux, à condition que "tous les dirigeants" de l'archipel "appellent à lever les barrages".
- "Apaisement constructif" -
Accompagné des trois hauts fonctionnaires qui auront pour mission de renouer le dialogue avec les indépendantistes et non indépendantistes, Emmanuel Macron a appelé à un "apaisement constructif" et à la recherche d'une "solution" politique.
Mais sans revenir sur le résultat des trois référendums qui ont acté le maintien du territoire ultramarin dans la République, car "l'apaisement ne peut pas être le retour en arrière", a-t-il plaidé.
Sur le terrain, "la nuit a été calme", a indiqué le Haut-commissaire Louis Le Franc à l'AFP.
"Il n'y a pas eu de dégâts supplémentaires mais il y a tellement de choses qui sont détruites", a-t-il encore fait valoir. 281 personnes ont été placées en garde à vue depuis le 12 mai, à une écrasante majorité pour des atteintes aux biens, selon une source judiciaire.
Le retour au calme reste précaire. Dans le quartier populaire de Montravel, majoritairement peuplé par les communautés kanak et océanienne, des groupes de jeunes circulaient le visage masqué, avec en main des lance-pierres faits de bric et de broc, a constaté un journaliste de l'AFP.
Et, sur la route qui relie Dumbéa, au nord de la capitale, de nombreux barrages filtrants et des carcasses de voitures incendiées continuent de hacher la circulation.
- "Darmanin assassin" -
Dans le Grand Nouméa, ces barrages se sont même renforcés dans la nuit.
Les indépendantistes y ont hissé leurs drapeaux et tendu des banderoles: "Non au dégel", "Darmanin assassin".
"Le texte (de réforme du corps électoral, NDLR) pour nous, il n'existe plus puisqu'il y a des morts, ce n'est même plus un sujet de discussion", explique à l'AFP Lélé, une mère de famille indépendantiste de 41 ans.
"Les premiers mots d’Emmanuel Macron n’augurent rien de très bon (…) Franchement, ça m’inquiète", commente de son côté sur BFMTV François Karé, du mouvement des jeunes kanak.
Un retour à la vie normale s'est amorcé dans le centre de Nouméa, quadrillé par une forte présence policière, mais où de nombreux magasins ont rouvert leurs portes.
Pour ajouter à l'instabilité, l'archipel a aussi été visé par une cyberattaque "d'une force inédite" visant à "saturer le réseau calédonien", mais qui a été stoppée, a annoncé Christopher Gygès, membre du gouvernement collégial calédonien.
Une grande partie de la classe politique appelle le chef de l'Etat a reporté en urgence le Congrès.
"Je ne vois pas le président de la République pouvoir (le) convoquer (...) sans le préalable d'un accord général", a relevé sur RTL le président du Sénat Gérard Larcher.
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E.Reyes--RTC