Vif débat entre Attal et Bardella à deux semaines des élections européennes
"Il ne suffit pas d'être jeune pour incarner un espoir", assène le Premier ministre. Gabriel Attal et Jordan Bardella ont croisé le fer lors d'un débat animé jeudi soir sur France 2, à deux semaines des élections européennes pour lesquelles le RN fait figure de grand favori.
Pendant environ 1h20, le chef du gouvernement et le président du RN, tête de liste du parti d'extrême droite, ont débattu en prime time, ne partageant rien si ce n'est un ton résolument offensif, les débats policés des premières minutes cédant rapidement la place à des échanges plus acerbes.
Le camp présidentiel fonde de grands espoirs sur ce débat, alors que la liste conduite par Valérie Hayer accuse un retard conséquent dans les sondages sur celle du RN et se retrouve talonnée par celle de Raphaël Glucksmann (PS-Place Publique).
Ce face-à-face symbolise aussi quelque peu l’éclosion d'une nouvelle génération de responsables politiques en France, le plus jeune Premier ministre (35 ans) affrontant un leader d'opposition à la popularité grandissante, tout juste âgé de 28 ans.
"Je ne suis pas comme vous, moi, à changer d'avis sur tout. A ne pas assumer des déclarations passées. A dire +on veut sortir de l'Europe+ puis +finalement on veut rester dedans+, +on veut sortir de l'euro+, +,finalement on veut rester dedans+", a attaqué le Premier ministre.
"Qu'il y ait des questionnements sur le projet que nous portons pour le pays que nous voulons mettre en œuvre, c'est un fait. En revanche il n'y a pas de doute sur le bilan qui est le vôtre", a rétorqué M. Bardella.
Les thèmes abordés --marché unique, droits de douane, véhicules électriques, immigration, défense-- ont sans surprise fait apparaître des lignes de fractures assez claires entre les deux camps.
L'un des échanges les plus vifs a porté sur la Russie. "Votre parti, celui de Mme Le Pen et de Jean-Marie Le Pen, avait besoin d'argent. La Russie avait besoin d'un parti en Europe pour justement affaiblir l'Europe de l'intérieur". Et "vous avez beau avoir remboursé votre dette, vous avez un contrat moral avec eux", au Parlement européen, a attaqué M. Attal.
-La Russie ? "sous la ceinture"-
"C'est pas du niveau du Premier ministre de la France d'avoir des arguments aussi sous la ceinture", a répondu l'eurodéputé RN.
Sur la préférence nationale, totem du programme du RN, M. Attal s'est voulu interrogatif: "comment vous faites ? Vous allez couper les jambes de nos entreprises".
"J'assume de vouloir mettre fin à la naïveté", a rétorqué Jordan Bardella.
Même criblage sur le concept de "double frontière" défendu par le RN: "comment vous faîtes ?", a interrogé le Premier ministre en dénonçant une idée "fumeuse". "Évidemment qu'on ne va pas contrôler tout le monde", a assuré M. Bardella, évoquant des "mécanismes de facilitation" pour les "travailleurs frontaliers".
Les deux débatteurs se sont attardés sur le thème de l'immigration. Avec "la présentation que vous faites du sujet, on a le sentiment en vous écoutant que derrière chaque étranger, chaque immigré, il y a un délinquant et un terroriste en puissance, et je la trouve révoltante", a lancé M. Attal.
"C'est l'inverse: je pense que quasiment toute la délinquance et la criminalité est liée à l'incapacité de maîtriser nos flux migratoires", a répliqué M. Bardella.
Le président du RN a également brocardé les "ambitions environnementales irréalistes" du gouvernement et de la majorité, avec l'interdiction des véhicules thermiques en 2035. "Des véhicules neufs", a précisé Gabriel Attal.
"Vous avez l'air de vivre dans un monde où on a du pétrole en France (...) et où le pétrole ne pollue pas", a ajouté le chef du gouvernement.
Le débat était aussi retransmis sur la chaîne YouTube d'actualité Hugodecrypte, qui compte 2,66 millions d'abonnés, ainsi que sur la chaîne YouTube "C quoi l'info ?" de France Télévisions, dans le but de capter une audience plus jeune.
Les concurrents de la majorité et du RN ont montré leur courroux sur la tenue de ce débat à deux. Le premier secrétaire du PS Olivier Faure comme le président des républicains (LR) Eric Ciotti ont écrit à l'Arcom, le régulateur de l'audiovisuel, pour lui demander "d'imposer" à France Télévisions "une égalité de traitement".
F.Peeters--RTC