Sur la côte face à Taïwan, des Chinois rêvent de réunification
"L'île nous reviendra un jour!": sur la côte Est chinoise en face de Taïwan, des touristes scrutent vendredi les eaux du détroit, où se déroulent des exercices militaires, en rêvant de "réunification pacifique" avec le territoire.
Dans son discours d'investiture lundi, le nouveau président taïwanais Lai Ching-te a promis de préserver le système démocratique de l'île et semblé vouloir creuser la séparation avec la Chine continentale.
En réponse, Pékin a lancé de grandes manoeuvres militaires pour encercler le territoire et a accusé M. Lai de pousser Taïwan, dont la Chine revendique la souveraineté, vers "la guerre".
Sur l'île touristique de Pingtan, le point de Chine continentale le plus proche de Taïwan, les visiteurs voient la séparation entre les deux rives, qui date de la fin de la guerre civile chinoise en 1949, comme temporaire.
"On partage des racines communes" avec les habitants de Taïwan, dont la grande majorité est de culture chinoise, souligne Chen Yan, une femme de 60 ans originaire de la grande ville de Wuhan (centre). "Il y aura forcément une réunification" un jour, selon elle.
"Que ce soit le gouvernement de Chine continentale ou celui de Taïwan, notre espoir commun, c'est d'arriver à une réunification pacifique", souligne-t-elle.
"On ne peut toutefois pas exclure que, confrontées à certaines situations", les autorités chinoises "soient obligées de réaliser cela par d'autres moyens", sous-entendu militaires, estime Mme Chen.
- "Provocation" -
Juste à côté, des touristes prennent la pose devant un monument en pierre indiquant que l'endroit est à "la distance la plus courte entre la mère patrie et l'île de Taïwan", soit à 68 milles marins (environ 126 kilomètres).
Debout près d'une longue vue panoramique, un touriste de 29 ans, monsieur Xu, juge lui que Lai Ching-te n'est pas légitime pour diriger l'île.
"Au mieux, le +président de Taïwan+ est le dirigeant temporaire de la région", estime-t-il.
Taïwan est "bien sûr" une "partie de la Chine", ajoute-t-il, insistant sur le fait que M. Lai ne peut donc "pas être qualifié de président".
Des sonneries de clairon émanent d'une colline située à proximité, qui abrite un complexe militaire chinois.
Des slogans inscrits sur ses murs appellent à "suivre les ordres du Parti communiste" et à "être capables de gagner des batailles".
Un autre devise reprend une célèbre citation du président chinois Xi Jinping en référence à Taïwan: "La patrie doit être réunifiée et sera inévitablement réunifiée".
La machine médiatique chinoise tourne à plein régime depuis le début jeudi des exercices militaires et un porte-parole du ministère de la Défense a promis vendredi des "contre-mesures" contre toute "provocation" des partisans de l'indépendance de Taïwan.
- Immense slogan -
Mais à 200 km au sud-ouest de Pingtan, dans la grande ville chinoise de Xiamen, distante de quelques kilomètres seulement de l'île taïwanaise de Kinmen, aucun signe apparent d'activité militaire.
Sous la pluie, les touristes se pressent sur la plage avec leurs parapluies. Ils posent pour des photos devant le paysage marin ou marchandent des bijoux avec des vendeurs.
"J'ai vu l'info sur les exercices militaires ce matin lorsque je me suis réveillée", déclare Mme Xu, 43 ans, originaire de la province du Sichuan (sud-ouest de la Chine).
"Mais je ne m'intéresse pas trop à ce type d'actualité nationale", explique-t-elle, occupée à prendre une photo d'un phare orienté vers Kinmen.
Près de la plage, un immense message composé de huit caractères chinois rouges hauts de plusieurs mètres proclame: "Un pays, deux systèmes, réunifions la Chine".
Une référence à la promesse, faite par Pékin à Taipei, d'une préservation du système politique démocratique de l'île en cas de réunification.
Car à Pingtan, un touriste de 24 ans, monsieur Jiang, en est persuadé: le jour de la réunification approche.
"L'indépendance de Taïwan n'est pas souhaitable. L'île nous reviendra un jour et ce jour est proche!", déclare-t-il à l'AFP.
"On a besoin de montrer (aux autorités taïwanaises) qu'on est forts. On n'a pas peur d'eux, mais on souhaite plutôt utiliser des moyens pacifiques pour que Taïwan revienne à la Chine."
M.Webber--RTC