Israël prend le contrôle d'une zone frontalière entre Gaza et l'Egypte
L'armée israélienne a annoncé mercredi avoir pris le contrôle d'une zone tampon entre la bande de Gaza et l'Egypte et a intensifié, selon des témoins, ses bombardements sur la ville de Rafah, devenue l'épicentre de la guerre contre le Hamas.
En dépit de l'indignation internationale soulevée par le bombardement meurtrier, dimanche, d'un camp de déplacés à Rafah, l'armée poursuit son offensive dans la ville surpeuplée du sud de la bande de Gaza, lancée le 7 mai pour, selon elle, éliminer les derniers bataillons du mouvement islamiste palestinien.
Selon des témoins, des tirs nourris d'hélicoptères visaient les secteurs de l'est et du centre de Rafah, appuyés par des tirs d'artillerie et des grenades fumigènes.
En trois semaines, environ un million de Palestiniens, selon l'ONU, ont fui Rafah, pour la plupart des déplacés poussés à un nouvel exode vers des zones déjà surpeuplées du territoire assiégé.
L'armée a annoncé avoir pris le contrôle du couloir de Philadelphie, une zone tampon de 14 kilomètres de long à l'intérieur de la bande de Gaza, qui borde la frontière égyptienne.
"Ces derniers jours", les forces armées israéliennes "ont pris le contrôle opérationnel" du couloir de Philadelphie, a affirmé le porte-parole de l'armée, le contre-amiral Daniel Hagari.
Le couloir de Philadelphie est un chemin de patrouille frontalier que l'armée israélienne avait mis en place le long de la frontière avec l'Egypte avant son retrait unilatéral de Gaza en 2005 et qui est soupçonné depuis de servir à la contrebande d'armes pour les groupes armés dans le territoire palestinien.
- "Encore sept mois" -
Le conseiller à la sécurité nationale israélien, Tzachi Hanegbi, a affirmé mercredi que la guerre pourrait se poursuivre "encore sept mois", afin d'atteindre l'objectif de détruire le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007 et auteur le 7 octobre d'une attaque sans précédent contre Israël.
Cette attaque a entraîné la mort de plus de 1.189 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte réalisé par l'AFP à partir des derniers chiffres officiels disponibles.
Sur les 252 personnes emmenées comme otages pendant l'attaque, 121 sont toujours détenues à Gaza, dont 37 sont mortes selon l'armée.
En représailles, Israël a juré d'anéantir le Hamas, qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne, et a lancé une offensive qui a fait jusqu'à présent 36.171 morts dans la bande de Gaza, dont au moins 75 en 24 heures, selon le ministère de la Santé de l'administration du Hamas.
La guerre a provoqué d'immenses destructions, déplacé la majorité des quelque 2,4 millions d'habitants de Gaza et provoqué une catastrophe humanitaire majeure.
A l'ONU, l'Algérie a présenté mardi au Conseil de sécurité un projet de résolution exigeant un cessez-le-feu "immédiat" et l'arrêt de l'offensive à Rafah.
Aucun vote n'est programmé alors que le Conseil, impuissant devant ce conflit dévastateur, doit tenir mercredi sa rencontre mensuelle sur les Territoires palestiniens.
Le projet algérien a été distribué à l'occasion d'une réunion d'urgence du Conseil convoquée après un bombardement israélien dimanche sur un camp de déplacés de Rafah qui a fait 45 morts, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Mardi, la Défense civile de Gaza a annoncé qu'une nouvelle frappe sur un camp de déplacés à Rafah avait fait 21 morts.
- "J'ai perdu deux enfants" -
Toujours dans le sud de la bande de Gaza, trois corps ont été sortis mercredi des décombres d'une maison touchée par un bombardement à Khan Younès, selon la Défense civile.
"J'ai perdu deux de mes enfants, Haydar, huit ans, et Mecca, cinq ans, mon unique fille", a lancé, éploré, Rami Abou Jazar après avoir dit adieu à ses enfants enveloppés dans des linceuls blancs.
Le porte-parole du ministère de la Santé du Hamas, Ashraf al-Qudra, a accusé l'armée israélienne "de cibler délibérément les services de santé à Rafah et dans le nord de Gaza", jugeant "urgent d'y installer des hôpitaux de campagne et d'y envoyer des équipes médicales".
Depuis la fermeture du passage frontalier de Rafah avec l'Egypte, après l'entrée des chars israéliens du côté palestinien, l'acheminement de l'aide humanitaire, vitale pour la population, est quasiment à l'arrêt.
Pour la première fois depuis le 13 mai, l'Organisation mondiale de la santé a indiqué avoir réussi à livrer du carburant et du matériel à l'hôpital Al-Ahli, dans le nord de Gaza.
"Qu'attendez vous pour réagir?", a lancé à l'adresse du monde musulman le président turc Recep Tayyip Erdogan, après avoir affirmé que "l'esprit de l'ONU est mort à Gaza".
- "Pas une grosse bombe" -
Pour le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, Israël a besoin d'un plan pour l'après-guerre dès que possible. "Sans plan pour le jour d'après, il n'y aura pas de jour d'après. C'est ce dont on a besoin, aussi vite que possible", a-t-il déclaré mercredi.
Principal soutien politique et militaire d'Israël, les Etats-Unis ont affirmé qu'ils "ne fermaient pas les yeux" sur les victimes à Rafah mais estimaient qu'Israël n'a pas lancé contre cette ville une offensive "majeure" susceptible de remettre en cause leur soutien.
"Les Israéliens ont dit qu'ils utilisaient (à Rafah) des bombes de 37 livres (environ 17 kilos)", "37 livres ce n'est pas une grosse bombe", a déclaré le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby, disant attendre les résultats de l'enquête israélienne sur le bombardement de dimanche.
Le Brésil a de son côté rappelé son ambassadeur en Israël et ne nommera personne à ce poste dans l'immédiat, nouvel épisode des tensions entre les deux pays liées à la guerre à Gaza.
P.Johnson--RTC