Hong Kong : 14 opposants reconnus coupables de subversion
La justice de Hong Kong a déclaré jeudi 14 opposants coupables de subversion lors du plus important procès de ce type depuis l'introduction à l'instigation de Pékin d'une loi sur la sécurité nationale, suscitant un appel de Londres à les libérer.
Cette législation, promulguée mi-2020 et entrée en vigueur en mars dernier dans cette ex-colonie britannique rétrocédée en 1997 à la Chine, a permis d'y museler toute dissidence après d'importantes manifestations en faveur de la démocratie, parfois violentes, en 2019.
Les autorités ont inculpé 47 figures de proue de l'opposition de "conspiration à des fins de subversion", les accusant de chercher à faire tomber le gouvernement.
La justice s'est prononcée jeudi sur le cas des 16 qui, parmi les 47, avaient plaidé non coupables.
Le juge de la Haute Cour Andrew Chan a décliné jeudi les noms de 14 accusés reconnus coupables, dont les ex-députés "Long Hair" Leung Kwok-hung et Ray Chan et l'ancienne journaliste Gwyneth Ho.
Les peines seront rendues publiques plus tard dans l'année.
Le tribunal a déclaré non coupables deux anciens conseillers de district, Lawrence Lau et Shun Lee, mais le parquet a sans tarder annoncé faire appel de cette décision.
Le Royaume-Uni a peu après exhorté les autorités hongkongaises à remettre en liberté toutes les personnes inculpées en application de la loi sur la sécurité nationale.
Ce jugement "ne fera que ternir davantage la réputation internationale de Hong Kong" et "envoie le message que les Hongkongais ne peuvent plus participer de manière sûre et significative à un débat politique pacifique", a réagi dans un communiqué la secrétaire d'Etat britannique à l'Indo-Pacifique Anne-Marie Trevelyan. "Nous appelons les autorités de Hong Kong à cesser les poursuites" en vertu de cette législation et à "libérer tous les individus inculpés", a-t-elle ajouté.
L'Union européenne s'est quant à elle dite "profondément préoccupée", dénonçant "une nouvelle détérioration des libertés fondamentales" dans ce territoire chinois.
"Les accusés (...) sont pénalisés pour leurs activités politiques pacifiques qui devraient être légitimes dans tout système politique respectant les principes démocratiques fondamentaux", a martelé une porte-parole du chef de la diplomatie de l'UE.
Le ministère chinois des Affaires étrangères a pour sa part déclaré "fermement" soutenir les autorités de Hong Kong, "dans la répression de tous les types d'actes qui mettent en danger la sécurité nationale".
Les militants condamnés avaient prévu de saper l'autorité du gouvernement, ce qui "aurait entraîné une crise constitutionnelle pour Hong Kong", ont écrit trois juges de la Haute Cour, triés sur le volet.
- "Question purement politique" -
La plupart des accusés sont derrière les barreaux depuis 2021.
Tous ont alors été inculpés de "conspiration en vue de commettre des actes de subversion", encourant la réclusion à perpétuité, un an après avoir organisé une primaire officieuse pour sélectionner des candidats de l'opposition en vue des législatives.
La défense a fait valoir que la loi fondamentale, qui sert de Constitution à Hong Kong, permettait ce projet, mettant en exergue "une question purement politique plutôt que (...) juridique".
Le procès s'est déroulé sans jury, en rupture avec la tradition judiciaire de Hong Kong.
Des diplomates français et italiens se sont notamment rendus au tribunal jeudi.
Les Etats-Unis et d'autres pays occidentaux ont émis des critiques à l'encontre des autorités chinoises, estimant qu'elles réduisaient les libertés promises au moment de la rétrocession de l'ancienne colonie britannique.
L'arrestation des principaux accusés en 2021, dont Leung Kwok-hung, le juriste Benny Tai et l'ex-députée militant pour la démocratie Claudia Mo, avait conduit à des sanctions américaines contre six responsables chinois et hongkongais. Benny Tai a plaidé coupable, tout comme Claudia Mo.
Washington va "suivre de près" l'affaire, avait souligné en mai le consul général des Etats-Unis à Hong Kong, Gregory May.
- Nouvelles arrestations -
Cette semaine, sept personnes ont été arrêtées en deux jours à Hong Kong pour des "messages à caractère séditieux" sur Facebook.
Ces arrestations sont les premières en lien avec la nouvelle loi sur la sécurité nationale dont les États-Unis, l'UE, le Japon et le Royaume-Uni se sont inquiétés.
Elle prévoit des peines de prison jusqu'à la perpétuité pour cinq catégories de crimes : la trahison, l'insurrection, l'espionnage, le sabotage et l'ingérence extérieure.
Ce texte a aussi supprimé les possibilités de réduction d'un tiers de leur peine pour bonne conduite pour les personnes condamnées au titre de la sécurité nationale, portant un coup aux 31 accusés qui ont plaidé coupables.
La Chine a exhorté jeudi les détracteurs internationaux de cette législation à "immédiatement cesser de s'ingérer dans les affaires de Hong Kong et dans les affaires intérieures de la Chine".
"J'espère que tout le monde continuera à se préoccuper de nos autres amis dans cette affaire", a pour sa part déclaré à sa sortie du tribunal, Lawrence Lau, l'un des accusés innocentés jeudi.
A l'extérieur du bâtiment, la Ligue des sociaux-démocrates (LSD), l'une des dernières voix de l'opposition à Hong Kong, a en vain tenté d'organiser une petite manifestation.
Sa présidente - l'épouse de Leung Kwok-hung - et trois autres personnes "ont été arrêtées", a affirmé le militant Figo Chan sur Facebook.
Le chef de la sécurité à Hong Kong, Chris Tang, a confirmé plusieurs arrestations pour des "nuisances et des troubles à l'ordre public à l'extérieur de la salle d'audience".
L.Aitken--RTC