La Belgique élit ses députés, suspendue au score de l'extrême droite en Flandre
La Belgique vote dimanche pour élire ses députés, avec la perspective de voir l'extrême droite doubler la droite traditionnelle pour s'imposer en Flandre, augurant de longues négociations pour former un gouvernement.
Réputée ingouvernable, la Belgique avait vécu 541 jours sans gouvernement de plein exercice en 2010-2011.
Un record dont le pays n'était pas si loin quand la coalition de sept partis dirigée par Alexander De Croo, le Premier ministre sortant, avait enfin vu le jour à l'automne 2020, 493 jours après les élections de 2019.
Cette fois, le pays pourrait être privé d'une coalition majoritaire en exercice au moins jusqu'aux élections communales du 13 octobre.
Une manière pour les présidents de partis, qui ont la main sur la formation des gouvernements, de ne pas fâcher leur électorat en révélant trop tôt partenariats et compromis envisagés. Et de ne "pas griller déjà leurs cartouches", a expliqué Benjamin Biard, chercheur au centre de sciences politiques Crisp.
Sous le soleil, patientant parfois de longues minutes en raison de l'affluence, quelque 8,5 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes dimanche, en comptant les citoyens d'autres pays de l'UE votant pour le scrutin européen auquel ces élections sont couplées. Le vote est obligatoire en Belgique.
A Mettet, dans la province francophone de Namur (centre), Mathieu Gautier affichait une certaine résignation en allant déposer son bulletin dans l'urne dimanche matin.
"J'ai l'impression que ça n'a pas beaucoup d'impact (...) Les idées se perdent un peu dans les demandes et les besoins des partis" pour s'entendre en coalition, déclarait cet éducateur spécialisé.
- "Je crains pour la démocratie" -
"Je trouve ça important (de voter), parce que j'ai peur de la montée des extrêmes et en particulier de l'extrême droite. Je crains pour la démocratie", soulignait de son côté, aux abords d'un bureau bruxellois, Anne-Sophie Liger, fonctionnaire à la Commission européenne.
Depuis plusieurs mois, les sondages annoncent en Belgique une progression des partis "antisystème", le Vlaams Belang en Flandre (VB, extrême droite) et les communistes du Parti du travail (PTB) en Belgique francophone, creusant encore le fossé entre des Flamands et des Wallons aux préférences politiques opposées.
En Flandre, le VB, allié en Europe du Rassemblement national français, détrônerait l'Alliance néoflamande (Nieuw-Vlaamse Alliantie, N-VA, conservateurs) comme première force politique de la région belge la plus peuplée.
D'après les projections en sièges d'une récente étude Ipsos, le Vlaams Belang pourrait obtenir 26 députés fédéraux, formant le premier groupe à la Chambre, et le PTB à l'autre extrémité du spectre 19... Contre respectivement 18 et 12 pour ces deux partis il y a cinq ans.
Cela donnerait 45 députés pour des formations radicales a priori exclues de toute entente gouvernementale. Et une majorité (d'au moins 76 députés sur 150) d'autant plus difficile à trouver.
En votant dans sa commune néerlandophone de Brakel (centre-ouest), Alexander De Croo a appelé à poursuivre les réformes et à créer encore davantage d'emplois. "Nous sommes aujourd'hui plus fort qu'avant la crise", a assuré le dirigeant libéral flamand.
- Le scénario De Wever -
Le Premier ministre sortant est candidat à sa succession mais sa coalition gauche/droite de sept partis perdrait la majorité à la Chambre, d'après les sondages, particulièrement pessimistes pour son parti à lui, l'Open VLD, et pour les écologistes.
Un scénario évoqué par les politologues est que la coalition sortante reçoive le renfort d'une huitième formation, les Engagés (ex-CDH), un parti centriste francophone en pleine résurrection.
Mais s'il ferme la porte à une entente avec le VB au nord, Bart De Wever, chef de la N-VA et actuel homme fort de la Flandre, pourrait vouloir s'imposer comme le leader incontournable au niveau national, estiment les experts.
"En Belgique, le fédéral a une influence sur le régional et vice-versa. Les équilibres vont être compliqués à trouver", fait valoir Nathalie Brack, professeure de sciences politiques à l'Université libre de Bruxelles.
Outre l'élection de 22 eurodéputés et 150 représentants à la Chambre, le scrutin vise à renouveler les parlements de la Flandre (124 députés), de Bruxelles (89), de la Wallonie (75) et de la petite communauté germanophone de l'est du pays (25).
Preuve que les tensions communautaires ne sont jamais très loin en Belgique, des assesseurs d'un bureau d'une commune du Brabant flamand ont dû être rappelés à l'ordre pour s'être adressés en français à des électeurs, a rapporté l'agence Belga.
O.Greco--RTC