Législatives: la barre des 200 désistements franchie contre le RN, clôture des candidatures mardi
D'ultimes tractations précédaient la clôture, mardi à 18H00, du dépôt des candidatures pour le second tour des élections législatives, alors que la barre des 200 désistements a été franchie, dans une tentative de constitution d'un "front républicain" contre un Rassemblement national, aux portes de la majorité absolue.
A ce stade, selon un décompte réalisé par l'AFP, 118 membres du Nouveau Front populaire de gauche ont choisi de se désister, ainsi que 78 de la coalition macroniste Ensemble pour la République. Auxquels s'ajoutent trois députés rattachés au parti de droite Les Républicains (LR) et une élue ultramarine sans étiquette, sur un total de plus de 300 triangulaires.
Souvent sans enthousiasme, les retraits de candidats macronistes ou de gauche ont lieu dans l'écrasante majorité des circonscriptions où au moins trois candidats étaient qualifiés et où le parti lepéniste est en mesure de l'emporter.
L'objectif est d'empêcher le RN d'obtenir la majorité absolue de 289 députés. S'il était atteint, s'ouvrirait alors pour les opposants au parti d'extrême droite la tâche complexe de la formation d'une majorité ou d'un gouvernement alternatif en capacité de diriger la France.
De son côté, Jordan Bardella, prêt à entrer à Matignon, a dénoncé des "alliances du déshonneur" et appelé les électeurs à lui accorder une majorité absolue "face à la menace existentielle pour la nation française" que représente selon lui le Nouveau Front populaire.
La ministre Dominique Faure (Parti Radical), qui annonçait son maintien lundi, s'est finalement retirée. Les regards se tournent notamment vers l'Hérault et la secrétaire d'Etat Patricia Mirallès. Plusieurs candidats du camp macroniste qui envisageaient de se maintenir ont renoncé mardi.
Illustration de ces désistements: dans le Calvados, le candidat LFI s'est retiré pour favoriser la réélection d'Élisabeth Borne, que la gauche a pourtant vigoureusement combattue sur les réformes des retraites et de l'immigration.
Dans l'autre sens, en dépit du "ni RN, ni LFI" prôné par Édouard Philippe, un candidat Horizons en Seine-Maritime, Laurent Bonnaterre, s'est retiré, offrant ainsi la possibilité à une députée sortante LFI Alma Dufour de conserver son siège.
Quelques exceptions subsistent, comme le Renaissance Loïc Signor qui se maintient dans la circonscription de l'Insoumis Louis Boyard, un député "contre la République" selon le parti présidentiel.
Loin de ces équations nationales, à Paris, le sortant Renaissance et candidat dissident Gilles Le Gendre s'est retiré et appelle à voter pour la gauche contre le candidat macroniste poussé par Rachida Dati.
- "pas une voix" pour le RN -
Emmanuel Macron a affirmé à ses ministres que "pas une voix" ne devait "aller à l'extrême droite", rappelant que la gauche s'était mobilisée face au RN en 2017 et en 2022 permettant sa propre accession à l'Élysée.
Une manière de répondre à ceux qui, dans sa majorité comme Bruno Le Maire, renvoient dos-à-dos le RN et La France insoumise, accusée d'avoir flirté pendant la campagne européenne avec l'antisémitisme.
Et Gabriel Attal d'enfoncer le clou mardi. "Les seuls en capacité d'avoir une majorité absolue, c'est le Rassemblement national, il faut empêcher ça", a-t-il martelé, en soulignant que "désistement ne veut pas dire ralliement" lors d'un déplacement de campagne.
"Je suis chef de la majorité", a-t-il rappelé au ministre des Finances.
Côté société civile, une intersyndicale composée de la CFDT, CGT, Unsa, FSU et Solidaires, a appelé à voter pour les candidat "les mieux placés pour battre l'extrême droite", tout comme un millier d'historiens dans une tribune dans Le Monde.
De son côté, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) est resté sur sa ligne "ni RN, ni LFI".
- Assemblée "plurielle" -
Dimanche, la vague bleu marine a déferlé avec plus de 10,6 millions de voix, soit 33,1% des suffrages, un niveau historique - hors second tour de la présidentielle de 2022.
Lors du premier tour dimanche, le RN a fait élire 39 députés, à commencer par Marine Le Pen dans le Pas-de-Calais. Le parti à la flamme, allié à Eric Ciotti, s'est qualifié dans 443 des 577 circonscriptions et est en tête dans 296 d'entre elles.
Pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale, l'extrême droite pourrait gouverner la France. Et peu d'options s'offrent aux autres forces politiques pour l'en empêcher.
Jordan Bardella a déjà fait savoir qu'il refuserait le poste de Premier ministre s'il ne disposait pas d'une majorité absolue, soit 289 députés.
Mais, si le RN s'en approche, avec "par exemple 270 députés", Marine Le Pen a indiqué que son parti chercherait à attirer "des députés par exemple divers droite, divers gauche, LR, qui ont exprimé par le passé une proximité avec nous".
Si le RN ne pouvait gouverner, les macronistes, une partie de la gauche et certains LR pourraient essayer de former une "grande coalition", courante dans les pays européens mais étrangère aux traditions politiques françaises.
Gabriel Attal a ainsi souhaité que sorte des urnes une "Assemblée plurielle", le LR Xavier Bertrand évoquant de son côté un "gouvernement de sursaut national".
"Beaucoup de ceux qui hier étaient de manière acharnée dans l'opposition réfléchissent", a assuré François Bayrou.
Mais Manuel Bompard a exclu que LFI participe à une telle coalition. "Les Insoumis ne gouverneront que pour appliquer leur programme, rien que le programme mais tout le programme", a-t-il affirmé.
F.Thill--RTC