Vaste opération militaire israélienne en Cisjordanie occupée, onze Palestiniens tués
Israël a lancé mercredi une opération militaire meurtrière de grande ampleur dans le nord de la Cisjordanie occupée, suscitant l'inquiétude de l'ONU, en marge de la guerre qui se poursuit à Gaza depuis près de onze mois.
Les forces israéliennes ont "éliminé neuf terroristes armés" à Jénine, Toubas et Tulkarem, dont sept dans des raids aériens, a annoncé l'armée, le ministère de la Santé de l'Autorité palestinienne chiffrant le bilan a "onze morts", auxquels s'ajoutent 24 blessés, selon le Croissant-Rouge palestinien.
Parmi les morts figurent "des enfants", selon l'ONU, dont le secrétariat général a indiqué suivre la situation "avec une grande inquiétude", et déploré "des tactiques de guerre meurtrières qui semblent dépasser les normes internationales en matière de maintien de l'ordre".
Selon le mouvement islamiste palestinien Hamas, trois morts dans le camp de réfugiés de Jénine étaient membres de sa branche armée. En soirée, tirs et explosions se sont poursuivies dans cette ville bastion de groupes armés en lutte contre Israël, selon un journaliste de l'AFP sur place.
L'armée israélienne pilonne Gaza sans relâche depuis l'attaque meurtrière du Hamas en Israël le 7 octobre. Mais en Cisjordanie, des opérations au sol appuyées par des aéronefs dans plusieurs villes au même moment sont rares.
"Les équipes médicales ont été entravées depuis le début de l'assaut, et les entrées du camp de Nour Chams et des hôpitaux du gouvernorat ont été fermées pour entraver le travail des équipes médicales", a déclaré Ahmed Zahran, secouriste du Croissant Rouge.
"Les destructions sont énormes. [Les soldats israéliens] ont attaqué les infrastructures dans le camp de Nour Chams [détruisant] le réseau d'eau et des égouts", a rapporté à l'AFP Hakim Abou Safiyeh, employé municipal à Tulkarem.
L'armée israélienne a assuré que des opérations pour "neutraliser des bombes [dissimulées] en bord de route" avaient provoqué des dégâts "non intentionnels" au réseau d'eau.
- "Signal dangereux" -
Mostafa Taqataqa, gouverneur de Tulkarem, a dit à l'AFP voir dans ces raids "un signal dangereux et sans précédent". "Tout semble indiquer que cette opération va durer", a-t-il ajouté.
Les incursions israéliennes sont quotidiennes en Cisjordanie même si, au titre des accords de paix israélo-palestiniens (moribonds) d'Oslo, l'armée israélienne n'est pas censée entrer dans les zones autonomes placées sous le contrôle exclusif des forces de sécurité de l'Autorité palestinienne.
Depuis le début de la guerre entre Israël et la bande de Gaza, déclenchée par l'attaque sanglante Hamas en Israël le 7 octobre, les violences en Cisjordanie, occupée par Israël depuis 1967, ont flambé.
Au moins 637 Palestiniens y ont été tués depuis cette date, selon l'ONU, tandis qu'au moins 19 Israéliens, dont des soldats, y ont péri dans des attaques palestiniennes ou lors d'opérations militaires, selon les données officielles israéliennes.
- "Infrastructures irano-islamistes -
Washington, qui déclare s'opposer à toute expansion de la colonisation israélienne en Cisjordanie, a annoncé mercredi de nouvelles sanctions visant des colons israéliens "extrémistes".
M. Netanyahu a jugé "très grave" cette "imposition de sanctions contre des citoyens israéliens".
Jugée illégale au regard du droit international par l'ONU, la colonisation israélienne en Cisjordanie s'est poursuivie sous tous les gouvernements, de gauche comme de droite, après la conquête de ce territoire palestinien par Israël en 1967.
Elle s'est nettement intensifiée avec la présence de ministres d'extrême droite au gouvernement formé en décembre 2022 par M. Netanyahu.
Un porte-parole de l'armée israélienne a relativisé l'importance de l'opération en cours, pas "extrêmement différente" selon lui de l'ordinaire.
Selon le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz, l'armée entend "démanteler les infrastructures terroristes irano-islamistes" en Cisjordanie. Sur X, il a appelé à y agir "avec la même détermination (...) qu'à Gaza, avec des évacuations temporaires de Palestiniens".
- "Spirale des destructions" -
Ezzat Rishq, un cadre du Hamas, y a vu un appel à "élargir la spirale des destructions et du génocide".
Le Jihad islamique, mouvement palestinien allié du Hamas, a accusé Israël d'oeuvrer "pour annexer la Cisjordanie".
Dans la bande de Gaza, la Défense civile a fait état d'au moins 12 morts, dont un enfant et une femme, dans de nouvelles frappes israéliennes.
L'armée israélienne a annoncé de son côté avoir récupéré à Gaza la dépouille d'un soldat tué le 7 octobre. Sur 251 personnes enlevées ce jour-là, 103 sont toujours retenues à Gaza, dont 33 déclarées mortes par l'armée.
Des Gazaouis en détresse continuent de se déplacer au gré des ordres d'évacuation de l'armée israélienne qui se multiplient, compliquant avec les bombardements incessants, les livraisons humanitaires dans le territoire palestinien assiégé.
Le Programme alimentaire mondial de l'ONU (PAM) a annoncé mercredi suspendre "jusqu'à nouvel ordre" des mouvements de son personnel à Gaza après que l'un de ses véhicules, "clairement identifié" et qui avait "reçu de multiples autorisations des autorités israéliennes" a été touché mardi par des tirs israéliens, sans victimes. L'armée n'a pas commenté l'incident dans l'immédiat.
Pendant ce temps, les médiateurs entre Israël et le Hamas - Qatar, Egypte et Etats-Unis - tentent toujours d'arracher un cessez-le-feu à Gaza assorti de la libération d'otages en échange de prisonniers palestiniens détenus par Israël.
Après des pourparlers au Caire, une délégation israélienne a mené mercredi à Doha des discussions au "niveau technique" avec les médiateurs, selon une source au fait des négociations.
L'attaque du Hamas le 7 octobre a entraîné la mort de 1.199 personnes côté israélien, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP à partir de données officielles israéliennes.
L'offensive militaire de représailles israéliennes sur la bande de Gaza, où le Hamas a pris le pouvoir en 2007, a dévasté ce petit territoire et fait au moins 40.534 morts, selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza, qui ne détaille pas le nombre de civils et de combattants tués. Selon l'ONU, la majorité des morts sont des femmes et des mineurs.
Ch.Jacobs--RTC