Troisième jour d'une opération israélienne en Cisjordanie occupée qui a tué 20 Palestiniens
Vingt Palestiniens ont été tués en trois jours d'une vaste opération lancée par Israël en Cisjordanie occupée, en marge de la guerre à Gaza, tous des combattants selon l'armée, parmi lesquels trois membres du Hamas vendredi dans une frappe aérienne.
Dans la bande de Gaza, l'ONG américaine Anera a rapporté vendredi le décès la veille dans une frappe israélienne de quatre Gazaouis qui avaient "demandé à prendre les commandes du véhicule de tête" d'un de leurs convois humanitaires, sans que leur présence n'ait été "coordonnée au préalable".
L'armée israélienne a assuré avoir mené une "frappe précise" après que "des assaillants armés ont pris le contrôle du véhicule".
En Cisjordanie occupée, territoire palestinien séparé de Gaza, l'armée a indiqué avoir tué vendredi à Jénine trois combattants du Hamas, dont le commandant du mouvement islamiste palestinien dans la ville, Wissam Khazem, et un quatrième homme, âgé de 82 ans selon l'agence palestinienne Wafa.
Le ministère palestinien de la Santé a également fait état de 20 morts depuis mercredi, parmi lesquels deux adolescents de 13 et 17 ans, selon le Croissant-Rouge palestinien.
Le Hamas, au pouvoir depuis 2007 à Gaza, et le Jihad islamique ont annoncé qu'au moins 13 des personnes tuées étaient des combattants de leurs branches armées.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, avait appelé jeudi à la "fin immédiate" de cette opération, condamnant "fermement les pertes de vies humaines, notamment de mineurs".
L'armée israélienne a déclenché cette opération qualifiée "d'antiterroriste" en envoyant des colonnes de blindés appuyés par des aéronefs sur Jénine, Tulkarem, Toubas et leurs camps de réfugiés, bastions de groupes armés actifs contre l'occupation israélienne.
Elle a indiqué avoir arrêté 17 "suspects d'activités terroristes" et saisi "de grandes quantités d'armes".
Le bureau des affaires humanitaires de l'ONU, Ocha, a alerté sur des opérations militaires menées "à proximité des hôpitaux" et les "graves dommages" infligés aux infrastructures.
- "Deuxième Gaza" -
Vendredi, les forces israéliennes n'opéraient qu'à Jénine, après leur retrait de Toubas et Tulkarem ont indiqué des habitants à l'AFP.
En soirée, un photographe de l'AFP a rapporté que des tirs et des explosions résonnaient dans Jénine.
Dans le camp de Nour Chams, à Tulkarem, des habitants prenaient vendredi la mesure des dégâts devant des bâtiments détruits et des routes impraticables.
"On est une deuxième Gaza", se lamente Nayef Alaajmeh.
Pour la France, ces opérations "aggravent un climat (...) de violence inédit", l'Espagne dénonçant "une flambée de violence (...) clairement inacceptable".
Les incursions israéliennes sont quotidiennes en Cisjordanie occupée, où les violences meurtrières flambent depuis le début le 7 octobre de la guerre à Gaza, mais rarement d'une telle ampleur et coordination.
Dans la bande de Gaza, les secours ont fait état vendredi de nouvelles frappes israéliennes ayant fait au moins trois morts dans l'est de Khan Younès (sud), et deux autres, dont un enfant, dans le camp de réfugiés de Jabaliya (nord).
Avant la frappe sur le convoi d'Anera, menée selon l'ONG "sans avertissement préalable" de l'armée, le Programme alimentaire mondial de l'ONU (PAM) avait annoncé mercredi suspendre ses mouvements dans ce territoire assiégé, au lendemain de tirs israéliens contre un de ses véhicules.
- L'armée a "tout fait exploser" -
Vendredi, l'armée israélienne a annoncé avoir mis fin à ses opérations au sol dans les régions de Khan Younès et de Deir al-Balah (centre), assurant y avoir tué "plus de 250 terroristes" en l'espace d'un mois.
Dans un quartier rouvert à ses habitants à Khan Younès, Amal al-Astal, 48 ans, raconte à l'AFP avoir retrouvé sa maison "détruite, comme celle des voisins". "On a aussi trouvé le corps d'un voisin en décomposition", dit cette habitante. L'armée "a tout fait exploser, c'était fou".
La guerre a été déclenchée par l'attaque du Hamas en Israël le 7 octobre, qui a entraîné côté israélien la mort de 1.199 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP à partir de données officielles.
Sur 251 personnes enlevées ce jour-là, 103 sont toujours retenues à Gaza, dont 33 déclarées mortes par l'armée.
Les représailles israéliennes à Gaza ont fait au moins 40.602 morts, selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, provoquant un désastre humanitaire et sanitaire et déplaçant la plupart des 2,4 millions d'habitants.
- L'"humanité élémentaire" disparue -
Seule lueur d'espoir: l'Organisation mondiale de la Santé prévoit dimanche de lancer une campagne de vaccination des enfants contre la polio, à la faveur de "pauses humanitaires" de trois journées chacune acceptées, selon elle, par Israël. Un premier cas de cette maladie, disparue depuis 25 ans, a été confirmé mi-août.
L'ambassadeur américain adjoint à l'ONU Robert Wood a appelé Israël à "s'abstenir d'opérations militaires" pendant ces périodes, et "éviter de nouveaux ordres d'évacuation".
Ces consignes --16 depuis début août-- forcent la population à se déplacer sans cesse, a dénoncé la cheffe par intérim de l'Ocha, Joyce Msuya, devant le Conseil de sécurité.
"Les civils ont faim, soif, sont malades, sans abri. Ils ont été poussés au-delà des limites de leur résistance, au-delà de ce que tout être humain devrait avoir à endurer", a-t-elle dit.
Une situation qui "remet en question l'engagement du monde envers le droit international" et "nous force à demander: qu'est-il advenu de notre humanité élémentaire?", a-t-elle lancé.
T.A.Smith--RTC