Poutine en Mongolie, malgré le mandat d'arrêt de la CPI
Le président russe Vladimir Poutine est en Mongolie mardi pour une visite officielle, sa première dans un pays membre de la Cour pénale internationale (CPI) depuis l'émission d'un mandat d'arrêt à son encontre.
Arrivé lundi soir dans la capitale Oulan-Bator, le dirigeant a été accueilli par la garde d'honneur à l'aéroport, sans être arrêté à sa descente, selon des images diffusées par la télévision russe.
Son déplacement apparaît comme un acte de défi envers la CPI, l'Ukraine en guerre, nombre de pays occidentaux et d'organisations de défense des droits humains qui ont demandé son arrestation.
M. Poutine est visé depuis mars 2023 par un mandat d'arrêt pour des suspicions de déportation illégale d'enfants ukrainiens vers la Russie. La Mongolie, membre de la CPI, était donc tenue de l'arrêter, selon le Statut de Rome qui a fondé la Cour.
Kiev a immédiatement réagi avec colère: le porte-parole du ministère ukrainien des Affaires étrangères, Georguiï Tykhiï, a qualifié de "coup dur" pour la légitimité de la CPI le fait que la Mongolie n'ait pas arrêté M. Poutine et a déclaré que Kiev ferait pression pour que le pays soit puni.
"La Mongolie a permis au criminel inculpé d'échapper à la justice, partageant ainsi la responsabilité de ses crimes de guerre. Nous travaillerons avec nos partenaires pour veiller à ce que cela ait des conséquences pour Oulan-Bator", a-t-il déclaré.
- "Pas d'inquiétude" -
La Cour basée à La Haye avait rappelé la semaine dernière que ses pays membres ont l'"obligation" d'interpeller les individus visés par un mandat d'arrêt.
Mais dans les faits, elle ne peut pas les forcer: quand un pays membre ne remplit pas ses obligations vis-à-vis de la CPI, cette dernière peut saisir l'Assemblée des Etats parties qui se réunit une fois par an mais dont les éventuelles sanctions se limitent essentiellement à une remontrance verbale.
Dans le passé, d'autres individus faisant l'objet d'un mandat d'arrêt de la Cour, comme l'ex-dictateur soudanais Omar el-Béchir, se sont rendus dans des pays signataires du Statut de Rome, sans être inquiétés.
La Mongolie l'a pour sa part signé en 2000, avant de le ratifier en 2002.
Démocratie enclavée entre deux pays autoritaires, la Russie et la Chine, la Mongolie a des liens culturels étroits avec Moscou ainsi qu'une relation commerciale importante avec Pékin.
Les deux puissances convoitent notamment ses riches ressources naturelles et veulent y accroître leur influence, tout comme les Etats-Unis.
La Mongolie, autrefois dans le giron soviétique, n'a pas condamné l'invasion russe en Ukraine et s'est abstenue lors des votes sur ce conflit aux Nations unies.
Le Kremlin avait assuré la semaine dernière n'avoir "pas d'inquiétude" quant à une éventuelle arrestation du président russe.
- "Crime de guerre" -
La place Genghis Khan - aussi appelée Sukhbaatar -, au centre d'Oulan-Bator, a été décorée lundi de drapeaux géants de la Mongolie et la Russie, en l'honneur de la venue de M. Poutine, sa première en cinq ans.
Mais dans l'après-midi, quelques manifestants ont exprimé leur mécontentement, certains brandissant une bannière sur laquelle était écrit "Faites partir le criminel de guerre Poutine".
Une autre manifestation est prévue à la mi-journée mardi au Monument d'Oulan-Bator pour les victimes de répression politique, qui rend hommage à ceux ayant souffert du régime communiste en place pendant plusieurs décennies en Mongolie.
Le gouvernement mongol n'a fait aucun commentaire sur une éventuelle arrestation du dirigeant russe.
Mais, sur les réseaux sociaux, un porte-parole du président mongol Ukhnaa Khurelsukh a démenti des informations de presse selon lesquelles la CPI aurait envoyé un courrier demandant aux autorités locales de mettre le mandat d'arrêt à exécution lors de cette visite.
Moscou ne reconnaît pas la CPI, dont le siège se trouve à La Haye, et a toujours fermement rejeté les accusations portées par cette juridiction contre le président russe.
La Mongolie "doit arrêter" Vladimir Poutine, qui "fuit la justice", a insisté lundi le directeur exécutif d'Amnesty International en Mongolie, Altantuya Batdorj.
L.Rodriguez--RTC