Les Sri Lankais élisent leur président, deux ans après la faillite du pays
Les Sri Lankais votent samedi pour une élection présidentielle à l'issue incertaine, avec la volonté de tourner la page de la politique d'austérité brutale qui leur est imposée pour sortir le pays de la crise financière catastrophique de 2022.
A la tête du pays depuis deux ans, le sortant Ranil Wickremesinghe, 75 ans, brigue un nouveau mandat avec pour seul programme la poursuite du redressement à marche forcée de l'île.
"J'ai déjà beaucoup fait, j'ai sorti ce pays de la banqueroute", a-t-il répété samedi en votant dans la capitale Colombo. "Maintenant, je vais faire du Sri Lanka un pays avec une économie, un système social et un système politique développés".
Mais, anticipent les analystes, sa victoire s'annonce difficile face à la lassitude et la colère d'une large partie de la population contrainte par le gouvernement de se serrer la ceinture.
Depuis l'ouverture des bureaux de vote à l'aube, de nombreux habitants de Colombo et de ses faubourgs ont exprimé leur désir de changement.
- Economie étranglée -
"Il faut un changement révolutionnaire dans ce pays", a renchéri sous couvert d'anonymat Devamanoharan, un commerçant de 65 ans, en suggérant qu'il avait accordé sa voix au chef de la coalition de gauche Anura Kumara Dissanayaka.
Vieux "renard" de la politique locale -- il a été six fois Premier ministre -- M. Wickremesinghe a accédé à la présidence en juillet 2022 à la chute de Gotabaya Rajapaksa, chassé de son palais par une foule en colère épuisée par l'inflation et les pénuries.
Il a hérité d'une économie étranglée par une dette de 46 milliards de dollars (42 milliards d'euros), pour l'essentiel contractée auprès de la Chine, privée de réserves de change et en pleine récession.
Après de longues tractations, le Fonds monétaire international (FMI) a fini par débloquer en 2023 une aide d'urgence de 2,9 milliards de dollars (2,6 milliards d'euros), en échange de fortes hausses d'impôts et de coupes drastiques des dépenses publiques.
L'ordre est depuis revenu dans la rue et la croissance du pays est repartie à la hausse, même si elle reste fragile, a averti le FMI.
Mais le taux de pauvreté de la population s'est accru, selon la Banque mondiale, et atteint plus d'un quart de ses 22 millions d'habitants.
A la tête du Front de libération du peuple (JVP) d'inspiration marxiste, Anura Kumara Dissanayaka, 55 ans, espère bénéficier du ras-le-bol de la population.
- Bataille incertaine -
"Notre parti a besoin d'une nouvelle culture politique", a-t-il déclaré samedi en votant, confiant. "Les gens votent avec enthousiasme. Après la victoire, j'exhorte tout le monde à rester calme".
A l'origine de deux insurrections meurtrières au début des 1970 et à la fin des 1980, le JVP a renoncé depuis à la lutte armée et s'est largement converti à l'économie de marché.
Le numéro 1 de l'opposition, Sajith Premadasa, 57 ans, devrait lui aussi rallier une partie importante des suffrages des mécontents.
Ancien proche de Ranil Wickremesinghe, il s'est engagé à arracher des concessions au FMI.
"Nous réviserons les inégalités du code des impôts soutenu par le FMI, qui force les travailleurs à aller chercher un emploi à l'étranger", a déclaré le candidat de centre-droit.
L'institution internationale ne semble toutefois pas disposée à adoucir ses exigences.
"Des progrès ont été accomplis, mais le pays est encore loin d'être sorti de l'ornière", a averti la semaine dernière la cheffe de la communication du FMI, Julie Kozack.
La lutte s'annonce serrée entre les principaux candidats en lice.
"Nous n'avons jamais connu de bataille à trois comme celle-là", a relevé auprès de l'AFP l'analyste politique Kusal Perera. "C'est la première élection présidentielle dont personne ne peut sérieusement prédire le résultat".
Si aucun des 39 prétendants ne franchit la barre de 50% des voix -- ce qui a toujours été le cas jusque-là -- la commission électorale les départagera en recensant les deuxièmes ou troisièmes préférences des votants.
Les résultats sont attendus dès dimanche.
T.Parisi--RTC