Destructions et pénuries: face à la détresse, Macron promet de "rebâtir" Mayotte avec une "loi spéciale"
Interpellé par des Mahorais désespérés cinq jours après le passage dévastateur du cyclone Chido, Emmanuel Macron a promis jeudi de "rebâtir" Mayotte grâce à une "loi spéciale", mais aussi de "renforcer la lutte contre l'immigration clandestine".
Face à l'ampleur des dégâts, le chef de l'Etat, attendu initialement pour quelques heures, a annoncé qu'il resterait jusqu'à vendredi dans l'archipel français de l'océan Indien afin de visiter un bidonville et des zones plus reculées. Et a fixé à lundi 23 décembre la journée de "deuil national", avec drapeaux en berne et minute de silence partout en France à la mi-journée.
"Donnez des aides. Des solutions mais des solutions qui aboutissent", le supplie en larmes Assane Halo, employée à la sûreté de l'aéroport, qui l'exhorte à ne pas "partir trop vite". "Nos maisons sont détruites. Nos enfants sont traumatisés", soupire-t-elle.
Un peu plus tard, un responsable associatif s'emporte: "les secours, ils sont pas arrivés chez moi", "ce n'est pas normal". "Vous êtes énervé, je comprends", mais "aidez-nous" plutôt que d'"engueuler tout le monde", rétorque Emmanuel Macron.
- Eau, nourriture et électricité -
A Cavani, quartier du chef-lieu Mamoudzou, une mère de trois enfants lui dit ensuite que la "mobilisation" de l'Etat et des secours vantée par le président, "elle ne vient pas". "On est complètement démunis, on ne sait pas pleurer, on ne sait pas sourire", lâche-t-elle, avant de fondre en larmes dans les bras d'Emmanuel Macron, qui l'enlace longuement.
La tension est aussi palpable, par moments, lors d'un long échange avec les élus locaux dans la salle au murs de briques noires du conseil départemental.
Houdjati Hairati, conseillère municipale, se lève pour tancer le président. "J'ai pas envie de vous dire merci d'être là parce que c'est votre devoir", explique-t-elle. "On ne fait pas de l'humanitaire, on n'est pas en Palestine", ajoute-t-elle, chaudement applaudie par l'assistance.
"La téléphonie va être rétablie dans les prochains jours", rassure-t-il. Quant aux distributions d'eau et de nourriture pour pallier aux pénuries, elle vont atteindre "toutes les communes" du département le plus pauvre de France "d'ici dimanche soir", grâce aussi à des "largages par hélicoptères".
"Il y aura 50% de l'électricité qui sera rétablie d'ici à demain, à peu près pareil pour l'eau", promet aussi le président, avant de reconnaître que pour les communes les plus "isolées", il faudra toutefois "plusieurs semaines".
- Pillages -
Autre urgence, la sécurité alors que des pillages ont été signalés.
"Monsieur le président on a peur que ce soit Haïti!", s'alarme une personne face aux risques de débordements. Un couvre-feu est en vigueur depuis mardi.
"Vous aurez dimanche 1.200 forces de sécurité intérieure qui seront déployées", répond-il.
Quant aux élèves, l'objectif reste bien de "préparer la rentrée au 13 janvier".
Emmanuel Macron a aussi annoncé un "fonds d'indemnisation" pour les non-assurés, dont il n'a pas encore dévoilé le montant. Les coûts des dégâts pris en charge par les assurances ont été estimés entre 650 et 800 millions d'euros par la Caisse centrale de réassurance, qui souligne toutefois que seuls 6% des particuliers à Mayotte disposent d'une assurance habitation.
Au-delà des besoins immédiats, le président de la République tente de projeter l'archipel vers la reconstruction, promettant de "rebâtir" Mayotte. Il annonce une "loi spéciale" pour accélérer les délais, "déroger aux règles" et faciliter les chantiers, à l'instar de ce qui a été fait pour organiser les Jeux olympiques et reconstruire Notre-Dame de Paris.
"On a été capables de rebâtir notre cathédrale en cinq ans. Ce serait quand même un drame qu'on n'arrive pas à rebâtir Mayotte", glisse-t-il.
L'objectif est de "mettre fin" aux bidonvilles et "supprimer les habitats qui sont à la fois indignes, dangereux".
Environ un tiers de la population, soit plus de 100.000 habitants, notamment les personnes en situation irrégulière venant des Comores voisines, vivent dans des logements précaires, dont la plupart ont été pulvérisés.
- Morts non recensés -
A l'hôpital de Mamoudzou, où les vitres ont été soufflées, des services inondés et du matériel détruit, la discussion a porté sur le recensement très compliqué du nombre de morts, alors que de nombreuses localités restent injoignables. Et que dans la tradition musulmane, les défunts sont enterrés au plus vite.
"On est face à des charniers à ciel ouvert. Il n'y a pas de sauveteurs. Personne n’est venu récupérer les corps ensevelis", affirme la députée (Liot) Estelle Youssouffa.
Selon des chiffres provisoires, 31 morts et quelque 1.400 blessés ont été officiellement recensés, mais les autorités craignent un bilan beaucoup plus lourd, alors que 70% des habitants ont été gravement touchés.
"Il est vraisemblable qu’il y ait beaucoup plus de victimes", a reconnu Emmanuel Macron, tout en estimant que certains chiffres très élevés qui ont circulé n'étaient pas "corroborés".
Au Mozambique le cyclone Chibo qui a frappé dimanche ce pays africain a fait au moins 73 morts selon les autorités du pays.
P.Ortiz--RTC