En Syrie, un difficile retour dans les ex-bastions rebelles dévastés
Un jeune olivier, des coussins de couleur et quelques plantes égayent la maison dévastée de Omar Kafozi, dans la banlieue de Damas, où il est revenu avec sa famille après la chute du président Bachar al-Assad.
"Dès que nous avons appris que le régime était parti et que les gens revenaient, nous avons rassemblé nos affaires", raconte cet homme de 74 ans.
Des bâches en plastique couvrent les fenêtres de ce qui reste de la maison, où il vit avec sa femme, son fils, sa belle-fille et ses deux petits-enfants, sans électricité, eau courante ni salle de bain adéquate, à Hammouriyé.
Comme d'autres localités de la Ghouta orientale, dans les environs de Damas, cette ancienne région rebelle a été réduite à l'état de ruines par le pouvoir d'Assad.
Le régime avait réprimé d'une main de fer les manifestations qui avaient éclaté en 2011, puis avait imposé un siège implacable à la Ghouta orientale, l'un des épisodes les plus sombres du conflit.
"Nous sommes revenus avec l'espoir que notre maison serait dans un meilleur état", explique M. Kafozi.
En 2018, l'armée a lancé une offensive aérienne et terrestre et des dizaines de milliers de personnes, combattants et civils, ont été évacuées vers les zones rebelles du nord-ouest dans le cadre d'accords négociés par Moscou, allié de Damas.
Sa petite-fille, aujourd'hui âgée de huit ans, "était un bébé dans nos bras lorsque nous avons fui", raconte-t-il.
La chute d'Assad début décembre, au terme d'une offensive fulgurante menée par une coalition de rebelles armés dominée par des islamistes, a ouvert la voie au retour des déplacés.
"Je devais absolument rentrer chez moi", dit M. Kafozi. Mais lorsque sa fille a vu les dégâts, elle a voulu repartir. "Je lui ai dit: c'est notre maison, nous devons y revenir", raconte-t-il avec un sourire fatigué.
- Aucun regret -
La famille est revenue il y a environ trois semaines depuis le nord-ouest, où elle avait vécu dans un camp de déplacés. Dehors, des enfants jouent dans une rue insalubre. Un camion livre des bouteilles de gaz, et quelques personnes passent à vélo.
Le neveu de M. Kafozi, Ahmad, 40 ans, est également revenu avec sa femme et ses quatre enfants. Mais ils logent chez des proches en raison des destructions.
Depuis ce qui était une chambre à coucher, ce travailleur journalier observe les bâtiments voisins éventrés, témoins silencieux des combats.
"Notre espoir, c'est qu'il y aura une reconstruction dans le pays, que des organisations s'impliqueront", dit-il: "Je ne pense pas qu'un effort individuel suffise. Les dégâts sont colossaux".
Près de 14 ans de conflit en Syrie ont fait plus de 500.000 morts, déplacé des millions de personnes, appauvri la population et dévasté le pays.
Selon un responsable local, Baibars Zein, 46 ans, des bus ont ramené du nord-ouest certains habitants qui n'avaient pas les moyens de revenir par eux-mêmes à Hammouriyé.
"Nous avons ramené environ 106 familles. Le nombre total de familles souhaitant revenir est d'environ 2.000", dit-il, près d'une mosquée au minaret fortement endommagé.
- "L'oppression a disparu" -
"Les infrastructures ont été détruites", souligne-t-il, en évoquant les réseaux d'électricité, d'eau, d'assainissement et de communication. "Tout doit être réparé."
Son propre frère, Saria Zein, est revenu en laissant sa femme et ses cinq enfants dans le nord-ouest pour tenter de rendre leur appartement habitable.
En 2015, une frappe a coûté la vie à sa fille de sept ans et 33 autres personnes, dont plus de la moitié étaient des enfants, affirme-t-il.
Sa femme, qui était à la maison, a échappé de peu à un éclat d'obus.
Dans le nord-ouest, la famille a d'abord loué un logement qui s'est effondré lors du séisme dévastateur de 2023 qui a frappé la Turquie et la Syrie, raconte-t-il.
Ils se sont ensuite installés dans un camp de déplacés avant de trouver un nouveau foyer.
M. Zein espère terminer les réparations principales en deux semaines.
Les enfants "sont vraiment enthousiastes, ils m'appellent et disent +Papa, on veut revenir+", confie-t-il.
"Nous sommes très, très optimistes: l'oppression a disparu", dit-il: "C'est le principal."
B.Puglisi--RTC