

Violences aux soignants: un collectif demande un durcissement rapide de la loi
L'émotion soulevée par le récent passage à tabac d'un généraliste en Seine-Saint-Denis et la condamnation de son agresseur jugée trop clémente par des représentants de médecins ont relancé le débat sur les violences dont sont victimes les soignants et un collectif réclame de durcir la loi.
"Nous demandons que le Parlement adopte très rapidement la proposition de loi Pradal" aggravant les sanctions pour les agressions de soignants, adoptée par l'Assemblée nationale en mars 2024 et en attente d'examen au Sénat, a plaidé devant la presse à Paris le docteur Saïd Ouichou, l'un des organisateurs d'un collectif d'une quinzaine d'associations et organisations représentatives.
"Nous voulons un outil juridique qui permette que la main du juge ne tremble plus" quand il doit sanctionner "un agresseur de médecin, d'infirmière, de kiné ou de pharmacien", a ajouté M. Ouichou, lui-même médecin généraliste dans les quartiers nord de Marseille.
Le fait que la victime d'une agression est un soignant "doit être une circonstance aggravante", comme c'est le cas pour les élus ou les policiers par exemple, a-t-il expliqué.
À Paris ou à Marseille, des manifestations rassemblant une poignée de soignants ont été organisées pour protester contre ces violences. Dans la capitale, une délégation a été reçue au ministère de la Santé.
L'idée de cette mobilisation a émergé après plusieurs agressions dont celle d'un médecin généraliste installé à Drancy (Seine-Saint-Denis) dont l'auteur a récemment été condamné à des travaux d'intérêt général et une amende. Largement médiatisée, l'affaire a suscité l'indignation, redoublée par la condamnation jugée trop légère du mis en cause par une partie des soignants.
"On continue à exercer, malheureusement, ou heureusement, parce qu'on a nos patients qui ont besoin de nous. Mais par contre, tout ce qu'il y a autour, parfois, nous fait peur. On redouble de vigilance, on fait attention, on évite de rentrer avec nos caducées, on évite d'avoir du matériel sur nous", a témoigné lors de la manifestation marseillaise, Handa Douafflia, 55 ans, infirmière libérale dans les quartiers nord de Marseille.
"On a besoin d'avoir la protection des autorités, besoin d'avoir la protection des juges lorsqu'il y a des actes comme ça qui arrivent", rebondit Thomas Laennec, 37 ans, médecin généraliste à Toulon, représentant du syndicat de médecins UFMLS (Union française pour une médecine libre Syndicat).
- Chiffres sous-évalués? -
"Il faut que les soignants puissent exercer sereinement, et pour pouvoir exercer sereinement, il faut qu'ils puissent se sentir protégés", ajoute la blouse blanche.
Selon les chiffres de l'Ordre des médecins, les agressions contre les professionnels du soin ont augmenté de 27% en 2023, avec 1.581 faits recensés.
"Et encore les chiffres sont sous-évalués" car beaucoup de médecins ne signalent pas ou ne portent pas plainte après une agression, selon le docteur Ouichou.
Le collectif, composé notamment de deux syndicats représentatifs des médecins libéraux, de SOS médecins France ou encore du premier syndicat des pharmaciens, demande l'application rapide du plan de lutte contre les violences faites aux soignants, lancé en 2023 par le gouvernement.
Interrogé sur les causes de cette montée des violences dans les cabinets, les membres du collectif évoquent les tensions provoquées par la dégradation de l'offre de soins, et des comportements plus décomplexés face à la violence.
"Quand on agresse un soignant, on le met en difficulté, il ne peut plus exercer sa profession et ce sont des centaines voire des milliers de patients qui ne pourront plus être pris en charge", a estimé le docteur Sophie Bauer, présidente du syndicat de médecin SML.
La proposition de loi de l'ancien député Horizons Philippe Pradal prévoit notamment l'aggravation des sanctions encourues en cas de violences contre les soignants - dans certains cas jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende-, la création d’un délit d’outrage, un dépôt de plainte facilité.
"Le ministère reprendra en mai 2025 au Sénat les débats parlementaires" sur ce texte, ont annoncé les ministres Catherine Vautrin et Yannick Neuder dans un communiqué commun, promettant une "tolérance zéro".
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J.Gustafsson--RTC