

Xanax, Lexomil ou Temesta: il ne faut pas en abuser, alerte l'agence du médicament
Gros consommateurs de Xanax, Lexomil ou Temesta, des benzodiazépines prescrits contre l'anxiété ou l'insomnie, les Français ignorent souvent qu'ils ont d'importants effets secondaires et doivent être pris le moins longtemps possible, souligne l'agence du médicament, qui lance jeudi une campagne de communication.
La France est le deuxième pays le plus consommateur de benzodiazépines en Europe. Plus de 9 millions de personnes y ont consommé ces molécules (alprazolam, bromazépan, lorazépam, mais aussi zopiclone, zolpidem sous le nom d'Imovane, Stilnox) en 2023, dont les trois quarts prescrites par des généralistes, selon l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), dont la campagne vise le grand public et les professionnels de santé.
"Avec environ 34 unités - comprimés ou gélules - consommés par habitant et par an, nous sommes derrière l'Espagne, qui se situe à 54 unités, mais loin devant le Royaume-Uni ou l'Allemagne, avec 5 à 7 unités par habitant et par an", a précisé à la presse le Dr Philippe Vella, directeur médical de l'agence.
Le Xanax, l'Imovane, le Lexomil - le trio de tête - "sont des médicaments utiles, importants à prescrire à bon escient, mais qui exposent à des risques de somnolence, de dépendance, de troubles de la mémoire et de chutes potentiellement graves chez les sujets âgés. Or ces effets indésirables, majorés lorsque la durée de traitement est longue, sont souvent méconnus", a-t-il complété.
En altérant la capacité à conduire - en particulier en association, "fortement déconseillée", à l'alcool - ces médicaments sont responsables de "la majorité des accidents de la route liés aux médicaments", a souligné Mehdi Benkebil, directeur de la surveillance à l'ANSM.
Or 3,6 millions de Français, soit 40% des patients traités par benzodiazépines, ont des durées de prescriptions trop longues.
Commercialisées depuis les années 1960 en France, ces molécules qui agissent sur le système nerveux central ne constituent pourtant qu'une "aide temporaire pour atténuer les symptômes" et non "traiter la cause" de l'anxiété et des troubles sévères du sommeil, rappelle l'agence du médicament.
- Usage "récréatif" et criminel -
Leur prescription, qui "doit, dans la mesure du possible, être évitée chez le sujet âgé", ne "doit pas dépasser 12 semaines dans l'anxiété (benzodiazépines anxiolytiques) et trois semaines dans l'insomnie (benzodiazépines hypnotiques)", a rappelé le Dr Vella.
Si près d'un patient sur deux traités avec ces médicaments a plus de 65 ans, l'ANSM veut aussi alerter les jeunes. Car moins d'un quart (23%) des moins de 30 ans qui en prennent ou en ont pris connaissent les risques de dépendance ou liés à la conduite, selon une enquête Viavoice pour l'ANSM.
Stables globalement entre 2017 et 2023, les prescriptions d'anxiolytiques - essentiellement le Xanax - ont bondi de 25% chez les jeunes de moins de 19 ans (170.000 en prennent) et même de 40% chez les filles de cette tranche d'âge.
Et, parmi les 18-25 ans, le détournement de benzodiazépines à "usage récréatif" - en "cocktail" associées à des opioïdes ou dans des "sucettes de fête", alliant kétamine et MDMA, selon l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies - est "très prononcé", a alerté M. Benkebil.
Ces molécules sont aussi les plus utilisées dans le cadre de soumissions chimiques, tel que le lorazépam (Temesta) avec lequel le mari de Gisèle Pélicot l'a droguée pendant des années pour abuser d'elle et la faire violer par des inconnus.
Pour cibler les jeunes, l'ANSM a noué un partenariat avec les réseaux sociaux Tik Tok et Instagram et collaboré avec des influenceurs: affiches et vidéos promeuvent des alternatives non médicamenteuses (yoga, méditation, sport...).
La campagne de l'agence s'adresse aussi aux généralistes, incités à s'attaquer aux causes des insomnies et de l'anxiété des patients, et à prescrire ces médicaments sur la durée la plus courte possible. Pour les insomnies, des petits conditionnements de cinq à sept comprimés existent: les laboratoires sont incités à les produire depuis 2022.
Sur 100 millions d'euros de remboursements de benzodiazépines par an, l'Assurance maladie estime pouvoir en économiser 30 millions liés à leur mauvais usage.
R.Collins--RTC