Paralympiques-2022: de zéro à héros, l'étonnante percée des Chinois
"Ils nous surprennent!": les Chinois n'avaient remporté en cinq éditions qu'une unique médaille aux Paralympiques d'hiver, mais ont fait sensation à Pékin, accumulant titres et podiums après avoir, disent-ils, "bossé hyper dur" pendant quatre ans.
Avec 61 médailles, dont 18 en or, la Chine a terminé à la première place du classement. Une sacrée performance en comparaison avec son famélique bilan jusqu'alors.
Car si les Chinois ont participé à leurs premiers Paralympiques d'hiver dès Salt Lake City (2002), ils avaient dû attendre Pyeongchang (2018) pour décrocher leur première médaille: l'or en curling.
"En ski alpin, on ne les attendait pas, et ils nous surprennent!", résume le skieur français Arthur Bauchet, 21 ans, champion olympique à Pékin en descente et super combiné.
Il dit avoir pris conscience du potentiel des Chinois lorsqu'il a découvert en début de saison Liang Jingyi, devenu ces jours-ci champion paralympique de Super-G.
"J'avais gagné un Super-G et il était à quelques centièmes derrière moi. Là, on a commencé à se dire +oulah, c'est nouveau ça!+"
Symbole de cette poussée du pays hôte aux Paralympiques de Pékin: en snowboard cross hommes, le podium était 100% chinois en catégorie UL (membres supérieurs).
En ski alpin, Zhang Mengqiu, sensation chinoise de ces Jeux, a remporté chez les femmes cinq médailles (dont deux en or).
Le secret?
"On a bossé hyper dur. Il n'y a pas un athlète de l'équipe qui n'a pas une blessure. On a eu des tonnes de pépins musculaires et de fractures", explique le para-skieur alpin Li Xiang, 6e du super combiné.
"Pour ces sportifs, chaque jour pendant 11 mois, c'était: entraînement, ski, entraînement, ski... Je ne sais pas quel autre pays pourrait faire ça", déclare admiratif Dario Capelli, entraîneur en chef de l'équipe chinoise paralympique de ski alpin.
- "Beaucoup d'argent" -
Recruté par la Chine il y a cinq ans, l'Italien de 51 ans est conscient du parcours accompli depuis.
"Au début, on leur avait fait un test, sur une piste où ils devaient réaliser cinq virages. On s'est aperçu qu'ils étaient tous débutants", raconte-t-il.
"On est parti de zéro", mais "les Chinois, quand ils commencent à faire quelque chose, c'est à fond", explique-t-il, saluant des athlètes qui ne se sont jamais plaints des difficultés.
Séjours d'entraînements aux quatre coins de la Chine qui nécessitaient des nuits d'hôtels, matériel, nouvelles infrastructures: les autorités ont soutenu à 100% leur formation, selon l'Italien.
A part le ski, "on n'avait pas à se soucier du reste" car "la fédération et le gouvernement chinois s'occupaient de tout", explique-t-il.
"C'est la mentalité chinoise: quand il veulent quelque chose, ils veulent le meilleur. Et ils investissent beaucoup d'argent."
Y compris dans des entraîneurs étrangers. En hockey sur luge, la Chine a ainsi recruté un Russe, Nikolai Sharshukov, qui a mené l'équipe au bronze paralympique.
"Les pays organisateurs mettent toujours des gros moyens, comme la France va le faire sur les Jeux de Paris" en 2024, note la skieuse française Marie Bochet, octuple championne paralympique, qui a été surprise par cette "vague" d'athlètes chinois.
- Russes exclus -
Il est vrai que la Chine s'est donné ces dernières années les moyens de réussir.
En 2016, elle a par exemple lancé un circuit national de compétition pour les para-sports d'hiver afin de produire un vivier d'athlètes compétitifs. Elle a aussi signé des partenariats avec la Russie et la Finlande.
Évidemment, l'exclusion des Russes et Bélarusses à la veille des Jeux, en raison de l'invasion de l'Ukraine, a également renforcé la suprématie chinoise au tableau des médailles.
Le président du Comité international paralympique (CIP), Andrew Parsons, a lui-même reconnu samedi que cela avait sans "aucun doute" affecté les résultats dans "certaines épreuves".
A Pyeongchang, les Russes et Bélarusses avaient conquis 36 médailles, notamment en fond et biathlon, des disciplines où justement les Chinois sont montés à 30 reprises sur le podium à Pékin.
La Chine pourra-t-elle dupliquer son succès, loin de ses bases, aux Jeux de Milan-Cortina en 2026?
"Le niveau du ski alpin chinois va encore grimper", promet Liang Jingyi, champion paralympique de Super-G. "J'en suis convaincu."
D.Nielsen--RTC