Accusé de "mensonges" sur les chiffres du Stade de France, Darmanin dans la tourmente
Taxé de mensonge par l'opposition mais soutenu officiellement par son camp, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin est sous le feu des critiques après ses déclarations sur le nombre de faux billets lors de la finale de la Ligue des champions au Stade de France.
Aux yeux du premier "flic de France", les responsables de l'échec du dispositif de sécurité lors de la finale de la Ligue des champions samedi ont été vite trouvés: "30.000 à 40.000 supporters anglais" sont venus au stade, "soit sans billet, soit avec des billets falsifiés", a-t-il rapidement dénoncé, évoquant une "fraude massive, industrielle et organisée".
Ces chiffres, évoqués en premier lieu par le préfet de police de Paris Didier Lallement dans un rapport de deux pages transmis dimanche au ministre de l'Intérieur, ont depuis été confirmés par la Fédération française de football (FFF).
C'est un "fait intangible", a même affirmé la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire à l'issue du Conseil des ministres.
Devant la commission des lois et de la culture du Sénat, en début de soirée, Gérald Darmanin a martelé que "110.000 personnes" se sont présentées "dans et autour" du Stade de France, soit "35.000" supporters de plus que la jauge prévue.
Il a affirmé que "des images prouvent le retour pendant la première mi-temps puis ensuite pendant la deuxième mi-temps de très nombreux supporters britanniques, qui repartaient notamment via le RER D".
Pourtant, cet argumentaire défendu mordicus reste très critiqué en Angleterre mais aussi en France, par l'opposition, les médias et des observateurs présents sur place. Même des sources au sein de la police et du gouvernement interrogées par l'AFP sont dubitatives.
"La réalité c'est que c'est Lallement qui plante encore tout le monde", enfonce un conseiller proche de l'exécutif.
Gérald Darmanin, tout juste confirmé à son poste dans le gouvernement Borne, "a un côté fake news", cingle-t-il. "Il se dit que ça parle à la base" et "il préfère un message simple mais exagéré, à un message protéiforme et moins compréhensible".
- Lallement, fusible ? -
"Il a le côté très Sarko de +j'ai confiance et puis j'y vais et on verra+", selon un parlementaire de la majorité, rappelant les débats houleux sur la loi Sécurité globale.
Remonté au troisième rang du gouvernement, Gérald Darmanin "est très cyclique", selon ce député. "C'est quand il est dans une phase de très grande confiance qu'il est le plus en danger".
Pour autant, il a "toute la confiance du président de la République", a affirmé la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire, à l'issue du Conseil des ministres, écartant l'hypothèse d'un départ.
En cette période électorale sans "lune de miel" pour Macron et le gouvernement et un rapport de force de plus en plus serré avec la gauche pour les législatives selon les derniers sondages, "il y aurait un vrai danger à se priver de Darmanin", estime le politologue Pascal Perrineau. "Est-ce que le préfet pourrait servir de fusible ?", s'interroge-t-il.
Plusieurs sources policières ont dit à l'AFP que Didier Lallement a déjà évoqué, bien avant les incidents au Stade de France, son désir de quitter la "PP" à la fin de l'été pour retourner dans son administration d'origine, la Cour des comptes, avant de partir à la retraite.
Les oppositions, elles, réservent leurs flèches au ministre de l'Intérieur.
"Ce fiasco du Stade de France devient un déni et une catastrophe politique pour l'exécutif", a fustigé le sénateur socialiste Patrick Kanner, ex-ministre des Sports. "Gérald Darmanin est un mélange de Pinocchio et de Madame Irma", a-t-il lancé sur Sud Radio.
"Un ministre qui ment, c'est une mauvaise nouvelle et pas de bon augure pour le quinquennat qui s'annonce", a jugé de son côté l'eurodéputé LFI Manuel Bompard, bras droit de Jean-Luc Mélenchon, sur Franceinfo.
Marine Le Pen a elle dénoncé un "mensonge gravissime" du ministre de l'Intérieur et estimé sur France 2 qu'il "devrait de lui-même considérer qu'il doit partir".
Y.Schmitz--RTC