Tour de France: le Grand Belt, ponts des frissons
Deuxième jour et première embûche sur le Tour de France: le double pont du Grand Belt samedi et ses 18 kilomètres au-dessus de la mer promettent une journée de tension dans le peloton, y compris pour Tadej Pogacar, déjà piégé par le vent en 2020.
Bienvenue en Bordurie. Non, le Tour ne quitte pas le Danemark pour le pays imaginaire de Tintin mais le tracé de la deuxième étape du Tour de France entre Roskilde et Nyborg présage des risques de bordures, ces cassures causées par un vent de côté.
Le parcours de 202 kilomètres longe les côtes de l'île de Seeland, plate comme une roedtunge (une limande en danois) et donc très exposée à la brise, tout en multipliant les changements de direction. Si cela ne suffisait pas, les coureurs quitteront la terre ferme à 22 kilomètres de la ligne d'arrivée pour ne la retrouver vraiment qu'à environ trois kilomètres du but sur l'île de Fionie.
"Au Danemark, il y a très peu de côtes, en revanche il y a le vent, appuie le directeur du Tour de France Christian Prudhomme. On descend nord-sud avant d'aller chercher les ponts et ensuite on va vers l'ouest, donc quel que soit le sens du vent, à un moment, il sera forcément de trois-quart."
Restée en mémoire, la bordure de l'étape d'Albi en 2019 avait écœuré Thibaut Pinot, repoussé à 1 minute et 40 secondes du vainqueur du jour, Wout Van Aert. Ces cassures surviennent quand, après un changement de direction, le peloton se trouve exposé à un vent de côté. Il suffit alors qu'une équipe malicieuse et musclée se lance dans une double manœuvre: qu'elle accélère tout en se positionnant près du bord de la route pour réduire au maximum l'éventail abritant les suiveurs.
- Pogacar piégé, "pas de la science-fiction" -
Le souvenir de la bordure de l'étape de Lavaur en 2020 est moins vif. Tadej Pogacar, futur vainqueur, aurait pourtant pu y perdre tout espoir si son débours avait excédé la minute et 21 secondes finalement concédée.
"En 2020, ce n'était qu'une journée, ça peut arriver", a relativisé le Slovène en conférence de presse jeudi. "En cas de vent de côté, il faut se battre. Mais même le meilleur coureur dans ces conditions peut être pris dans une cassure. Ce n'est pas de la science-fiction."
Même si le pont Est, ouvert à la circulation automobile en 1998, en a des airs. "Si vous montez en haut des piliers de l'un des ponts, vous êtes au point culminant du Danemark, à 254 mètres, c'est un décor fascinant", vante Christian Prudhomme décrivant un "cadre jamais vu sur les routes du Tour de France", quelque chose de fou".
Les prévisions météo annoncent au moment de la traversée du Grand Belt un vent de trois-quarts face soufflant à environ 25 km/h avec des rafales à près de 30 km/h. Une "jolie brise", selon l'échelle de Beaufort, suffisante pour que le peloton éclate ?
- "Pas un sprint massif", selon Ewan -
"S'il y a du vent de côté, ce sera une étape dure, prédit le sprinteur Caleb Ewan. Le peloton sera nerveux, toutes les équipes voudront se placer à l'avant".
D'autant que le court contre-la-montre de la veille (13,2 km) n'aura pas creusé d'écart définitif. "Je pense qu'il y aura un sprint mais pas un massif", estime le leader de l'équipe Lotto.
Reste à savoir quelle équipe sera à la manœuvre. Jumbo, par l'intermédiaire de Wout van Aert, s'était imposée dans les étapes d'Albi 2019 et Lavaur 2020, sans avoir initié les cassures. Les équipes à l'origine de celles-ci, ne misaient pas alors prioritairement sur le classement général que ce soit Quick-Step en 2019 ou Bora en 2020, deux formations taillées pour les classiques.
Même moins équilibrée depuis la perte de l'habitué des Flandriennes Matteo Trentin, positif au Covid-19, l'équipe UAE-Emirates du double vainqueur sortant demeure "très forte", a martelé Tadej Pogacar.
"Nous essaierons seulement de nous battre en espérant que ça ne se passera pas comme cette étape de 2020".
Y.Schmitz--RTC